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L’écocide : un homicide lucide

Rédactrice: Léa Mark Guillemette

La comptine de l’écocide va comme suit : 

 

Feu, feu, joli feu

Notre planète brûle 

(Et nous avec)

 

Ce serait un euphémisme d’affirmer que les crimes contre l’environnement sont nombreux. Très peu sanctionnés, mais pourtant très graves, arriveront-ils un jour à intégrer le même rang que les crimes de guerre, les génocides, les crimes contre l’humanité et les crimes d’agression?

 

Le 12 octobre 2021, l’organisation non gouvernementale (ONG) AllRise a pris action en déposant une plainte pour crime contre l’humanité à la Cour pénale internationale (ci-après CPI) contre le président brésilien. La communication reproche à Jair Messias Bolsonaro d’avoir joué un rôle dans la déforestation amazonienne et dénonce ses impacts attendus sur la vie et la santé humaine à travers le monde [1]. Le document a été déposé en vertu de l'article 15 du Statut de Rome de la CPI, qui permet au Procureur de demander à la Chambre préliminaire d'autoriser une enquête sur des crimes relevant de la compétence de la Cour sur la base d'informations reçues de tiers [2]. Par cette accusation, nous saurons enfin si le terme « écocide » peut être inclus dans la définition de crime contre l’humanité.

 

Voilà ce qui nous amène au cœur de notre sujet : devrait-on intégrer le crime d’écocide parmi les crimes les plus graves? Bien que l’idée infuse depuis les années 1970, rien ne semble s’être concrétisé depuis (ce n’est pas comme s’il y avait feu) [3]. Ainsi, la seule option est-elle de rattacher les écocides aux crimes contre l’humanité? Est-ce même possible d’affirmer, juridiquement, qu’un crime contre la nature puisse en fait constituer un crime contre l’humanité? C’est ce que nous tenterons de décortiquer dans cet article modeste qui ne se veut point empirique (ni sarcastique).

 

Étymologiquement parlant : l’écocide

Avant toute chose, il est primordial de définir ce que nous entendons par le terme écocide. Le néologisme est construit à partir des mots écosystème et génocide, afin de symboliser la destruction systématique et massive des écosystèmes. Ce terme est utilisé en référence aux actes délibérés de destruction d'un milieu naturel, ainsi qu'à tous les actes qui, par leur nature, peuvent provoquer une catastrophe environnementale [4].

La notion d'écocide a été examinée pour la première fois en 1970 par Barry Weisberg, dans son ouvrage « Ecocide in Indochina »[5]. Son œuvre traitait de l'intervention américaine au Vietnam de 1964 à 1975, plus particulièrement de « l’agent orange », un herbicide très toxique répandu par les États-Unis pendant la guerre [6]. Cet agent chimique était un puissant défoliant destiné à détruire la forêt et à empêcher ainsi les insurgés vietnamiens de s’y réfugier [7]. L’écocide a assurément trouvé son origine dans la préoccupation de l’époque : la guerre chimique au Vietnam nécessitait un concept similaire à celui de génocide et lié à la théorie des crimes de guerre [8]

L’auteur déclare que le terme écocide aurait d’abord été utilisé lors de la Conférence sur la guerre et sur la responsabilité nationale par Arthur W. Galston de l'Université de Yale, professeur de botanique, lorsqu'il proposa un nouvel accord international pour interdire l'écocide [9]. Le professeur définissait l’écocide comme « la dévastation et la destruction visant à endommager ou à détruire l’écologie de zones géographiques au détriment de toute forme de vie, qu’elle soit humaine, animale ou végétale »[10].

Plus récemment, par les termes employés dans le cadre du Tribunal Monsanto en 2016, le crime d’écocide est entendu comme « le fait de porter une atteinte grave à l’environnement ou de détruire celui-ci de manière à altérer de façon grave et durable le bien commun et les services écosystémiques dont dépendent certains groupes humains »[11].

De plus, en juin 2021, commissionnés par l’association Stop Ecocide, des experts légaux ont délimité, après six mois de travaux, les écocides comme des « actes illicites ou arbitraires commis en connaissance de la réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables »[12]. Toutefois, même cette définition est encore sujette à questionnements. En effet, l’Association française des magistrats pour le droit de l’environnement (AFME) a notamment reproché à cette définition qu’elle demeure très théorique et risque ainsi de poser des problèmes d’interprétation pour les juristes et les tribunaux [13].

 

Nous avons désormais une idée plus précise de la notion d’écocide. Maintenant, est-elle juridiquement reconnue?

Un pas vers la reconnaissance juridique de l’écocide… ou pas?

 

Plusieurs pays se sont engagés à reconnaître l’écocide à l’échelle nationale. Le premier à l’avoir criminalisé dans son droit positif est le Vietnam en 1990, en réaction à l’utilisation par les forces américaines de « l’agent orange » mentionné plus tôt. Depuis, une dizaine d’autres ont suivi cette démarche de reconnaissance, notamment la Russie, l’Arménie et la Géorgie, sans toutefois la mettre en application [14]. Du côté de la Belgique, la Chambre des représentants a adopté une résolution visant à inscrire l’atteinte grave de la nature dans le code pénal belge [15]. En France, bien qu’il ne soit pas introduit dans le Code pénal, l’écocide a été intégré en août 2021 à la Loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets [16]. Or, ce fut en tant que « délit », amoindrissant ainsi la portée du terme [17].

 

Comme nous l’avons vu, certaines initiatives ont été prises au niveau national, mais elles demeurent très récentes et plusieurs sont en cours de développement. Malheureusement, il n’y a actuellement aucun cadre juridique à l’échelle internationale pour l’écocide. L’inscription de l’écocide dans le droit international dans le Statut de Rome permettrait de présenter en justice les auteurices de ces crimes devant la CPI, comme le souhaite l’association Stop Ecocide [18].

En 2017, le célèbre Tribunal Monsanto a estimé lui aussi qu’il était temps de proposer la création d’un nouveau concept juridique pour le crime d’écocide [19]. Il a également conseillé de l’intégrer dans une version amendée du Statut de Rome, soit le traité international ayant fondé la Cour pénale internationale [20]. Le Tribunal international de Monsanto est un tribunal d’opinion « extraordinaire » mis sur pied afin d’examiner les répercussions juridiques qui découlent de certaines activités de la firme Monsanto, particulièrement en ce qui concerne les conséquences néfastes de son herbicide Roundup [21]. L'avis consultatif rendu par le Tribunal inclut une analyse juridique des six questions qui lui ont été posées en vue de faire progresser le droit international des droits humains et le droit international de l’environnement [22]. Bien que le Tribunal ait insisté sur l’urgence d’affirmer de manière précise la protection de l’environnement et le crime d’écocide, il a également tenu à souligner qu’il n’assimilait en aucun cas le crime d’écocide à toute forme de génocide considérée dans le Statut de Rome et dans la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide [23].

 

Pour arriver à intégrer l’écocide au sein du Statut de Rome, quatre conditions doivent être remplies, mais le processus reste long et plutôt incertain. Tout d’abord, l’un des 123 États ayant ratifié le Statut de Rome doit déposer une demande pour amender le traité. Dans un second temps, les deux-tiers des pays doivent valider l’amendement lors de l’assemblée annuelle de la Cour pénale internationale. En d’autres termes, au moins 82 pays doivent voter en sa faveur [24]. Une fois le concept inclus dans le Statut, le crime existe, mais il n’est pas encore applicable. Finalement, chaque État partie peut ratifier la modification et doit l’appliquer dans son pays. De cette manière, l’écocide sera enfin reconnu comme une infraction pénale, ou du moins, ce sera le cas dans les pays ayant ratifié l’amendement [25].

Le Tribunal Monsanto a émis ses propositions en 2017 [26]. Nous voilà cinq ans plus tard et l’écocide ne figure toujours pas aux côtés des quatre crimes contre la paix du Statut de Rome. (Soupir). Dans cette optique, est-ce que l’ONG AllRise détient la solution? L’écocide ne semblant pas gagner d’aussi tôt son indépendance, le qualifier d’un crime contre l’humanité devient, par conséquent, une option extrêmement intéressante.

Les multiples facettes du crime contre l’humanité

 

Pour explorer cette dernière suggestion, il faut préalablement se pencher sur la définition tout aussi complexe du crime contre l’humanité. En effet, l'idée que certains principes élémentaires d'humanité doivent être respectés en toutes circonstances, y compris pendant les conflits armés, a fait surface à diverses époques de l'histoire et n’a pas toujours été définie de la même manière.

 

Tout juste après la Seconde Guerre mondiale, le concept de crime contre l’humanité fut abordé pour une première fois. À cette époque, il a été décidé par les puissances alliées que les hauts responsables ennemis devaient être jugés pour les crimes commis pendant le conflit [27]. Toutefois, certains des actes perpétrés n’avaient pas été commis contre des ressortissants étrangers, mais plutôt contre des citoyens allemands, et ce, sur des bases raciales, politiques ou autres [28]. En vertu des lois et coutumes de guerre alors applicables, ces actes ne pouvaient être condamnés. Une disposition portant sur les crimes contre l’humanité a donc été ajoutée à la Charte de Nuremberg, celle-ci déjà spécialement conçue pour le procès des grands criminels de guerre de l’Axe européen [29]. Selon cette Charte, les crimes contre l'humanité n’étaient punis que s'ils étaient commis pendant la guerre ou lors de sa préparation, et s'ils affectaient directement les intérêts d'autres États [30].

 

Aujourd’hui, la criminalisation des comportements définis comme crimes contre l'humanité est essentiellement le produit du travail des tribunaux ad hoc depuis le milieu des années 1990. Nous pouvons penser notamment au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie de 1983 (TPIY) et au Tribunal pénal international pour le Rwanda de 1994 (TPIR). Avant cette période, la notion de crime contre l’humanité restait vague et plus ou moins claire [31]. Cette ambiguïté se traduisait même parmi les différents tribunaux ad hoc. Par exemple, le Statut du TPIY exigeait que ce type de crimes soit commis dans le cadre d'un conflit armé et fasse partie d'une attaque généralisée et systématique contre toute population civile, alors que le Statut du TPIR précisait qu'une telle attaque doit avoir été fondée sur des motifs nationaux, politiques, ethniques, raciaux ou religieux [32]

 

Néanmoins, la clause selon laquelle un crime contre l'humanité doit être commis dans un conflit armé n'est plus considérée comme faisant partie de la définition du droit international coutumier, puisqu’elle a été omise des statuts des tribunaux internationaux ultérieurs aux TPIY et TPIR, tels que la CPI, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, les Chambres spéciales du Timor oriental pour les crimes graves et les Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens [33]. De cette manière, un lien avec un conflit armé n'est désormais plus requis comme élément nécessaire en vertu du droit international général [34]. Ce dernier élément présente donc un avantage pour la thèse de l’écocide comme crime contre l’humanité.

 

Entré en vigueur le 1er juillet 2002, le Statut de Rome de la CPI, quant à lui, définit certains aspects des crimes contre l'humanité différemment des statuts des tribunaux ad hoc ou du droit international coutumier [35]. Notamment, le Statut de Rome exige, selon son paragraphe 7(2)(a), que l'auteur commette un crime contre l'humanité dans la poursuite ou la promotion d'une « politique de l'État ou d'une organisation visant à commettre » une attaque contre une population civile [36]. En outre, les motifs discriminatoires énumérés par le Statut de la CPI sont plus nombreux que ceux énumérés par les tribunaux ad hoc. En effet, il englobe également les motifs culturels, de genre et « d'autres motifs universellement reconnus comme inadmissibles en vertu du droit international »[37].

 

Nous pouvons donc retirer de ce bref survol de la situation juridique de l’écocide que, malgré les énormes développements des quinze dernières années, la notion de crime contre l'humanité porte encore parfois à confusion. Cela s’explique probablement par le fait qu’elle n’est pas aussi solidement ancrée dans le droit pénal international que d'autres concepts plus anciens, comme les crimes de guerre [38]. Dans un autre ordre d’idées, voyons si le concept de crime contre l’humanité permet d’englober le concept de l’écocide.

Le crime d’écocide, main dans la main avec le crime contre l’humanité?

 

Johannes Wesemann, le fondateur d’AllRise, s’exprime fermement : l’écocide constitue un crime contre l’humanité. Il a même déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) que « [c]'est exactement ce que le Statut de Rome définit comme un crime contre l'humanité : la destruction intentionnelle de l'environnement et des défenseurs de l'environnement »[39].

 

De notre côté, nous allons procéder à une analyse du Statut de Rome, et plus particulièrement de son article 7 qui traite du crime contre l’humanité [40]. Nous utiliserons la définition de la CPI afin d’encadrer l’exercice juridique et d’éviter certaines complications. Cependant, nous soulignons qu’elles sont existantes et doivent habituellement être prises en compte.

 

De prime abord, trois conditions sont nécessaires pour caractériser un crime contre l’humanité selon l’article 7 du Statut de la CPI. En premier lieu, il doit s’agir de l’un des actes énumérés au premier paragraphe de la disposition [41]. Ensuite, cette action doit avoir été faite dans le cadre d’une attaque « généralisée ou systématique lancée contre toute population civile »[42]. Le second paragraphe précise que nous entendons par cette expression le comportement qui consiste en la commission multiple d’actes visés au premier paragraphe à l’encontre d’une population civile quelconque, et ce, en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation ayant pour but une telle attaque [43]. Finalement, l’acte doit avoir été commis en connaissance de cette attaque [44].

 

En faisant défiler les paragraphes 1(a) à 1(k), l’acte qui semble se rapprocher le plus de la notion d’écocide est celui d’extermination [45]. Encore une fois, le second paragraphe vient définir la portée de ce terme : il s’agit du fait « d'imposer intentionnellement des conditions de vie, telles que la privation d'accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d'une partie de la population »[46]. Reprenons l’exemple de la forêt amazonienne. En procédant à sa déforestation, alors qu’elle constitue un milieu incontestablement crucial non seulement pour la biodiversité qu’elle abrite mais aussi pour les 34 millions de personnes qu’elle sert, nous privons plusieurs populations locales de nourriture, d’eau potable ou de matériaux assurant le bon cours de leur vie [47]. 

 

La portion du libellé qui doit être davantage analysée est celle-ci : « […] calculées pour entraîner la destruction d’une partie de la population » [48]. Il faut concéder que les entreprises ou les individus dont les activités entraînent la déforestation, les déversements de pétrole ou encore la contamination radioactive ne calculent probablement pas au mètre carré la destruction des écosystèmes engendrée par leurs actions. Or, c’est une toute autre chose que d’affirmer que cela ne se produit pas en toute connaissance de cause. Ces industries et ces personnes sont indéniablement au courant des effets de leurs actions. Comment pourraient-elles ne pas l’être alors que la littérature scientifique documente depuis des années de manière excessivement exhaustive les impacts de leurs comportements [49]? L’amour rend peut-être aveugle, mais l’argent encore plus. Selon nous, il s’agirait donc bel et bien d’une attaque généralisée contre une population civile, puisque plusieurs communautés souffrent de ces actes et, de plus, ces firmes sont informées du fait que ces afflictions découlent directement de leurs activités. Le lien est peut-être plus difficile à établir dans certaines situations, comme dans le cas des sociétés occidentales où les impacts sont souvent moins tape-à-l’œil, entre autres, parce que la production alimentaire est délocalisée. Toutefois, le lien est manifeste lorsqu’il est question, par exemple, des populations locales qui vivent à proximité de la forêt amazonienne. 

 

Il serait également possible de recourir au paragraphe 7(1)(k) du Statut de Rome, qui spécifie qu’un crime contre l’humanité peut constituer tout « [autre acte inhumain] de caractère analogue [aux actes mentionnés précédemment] causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé physique ou mentale » [50]. Puisque la définition d’extermination ne se fusionne pas parfaitement à la notion d’écocide, cette disposition serait peut-être une option plus probante. Nous avons déjà démontré que les écocides entraînent des conséquences affectant directement et gravement la santé de plusieurs populations [51]. Pour les mêmes raisons que celles soulevées plus tôt, nous croyons qu’il serait effectivement possible de qualifier les écocides d’attaque généralisée envers une population civile et de prouver que les auteurices de ce genre de crimes les accomplissent en toute connaissance. Encore une fois, il est important d’apporter la même nuance que plus tôt : le lien de causalité existant entre les actes reprochés et le préjudice subi peut s’avérer moins évident dans certains cas que dans d’autres. Ce sera alors une question de prépondérance de la preuve.

 

En outre, il est important de souligner que, comme dans tous les cas de responsabilité pénale, la réunion entre un élément matériel et un élément subjectif est nécessaire. En ce qui concerne le crime d’écocide, l’actus reus, soit l’élément matériel, constituerait l’action généralisée ou systématique ayant un résultat tragique pour l’environnement, prenant la forme de dommages étendus durables et graves [52]. Selon ce que nous venons d’élaborer, l’actus reus serait plausiblement présent. Quant à la mens rea, c’est-à-dire l’élément subjectif, nous croyons qu’elle serait beaucoup plus facile à démontrer. En effet, la jurisprudence a établi que les auteurices de l’acte n'ont pas besoin de partager le but de l'attaque et peuvent en effet commettre un crime contre l'humanité pour des raisons purement personnelles, comme l’enrichissement personnel [53].

 

Conclusion

 

En conclusion, à la suite de cette courte étude du Statut de Rome, nous pouvons comprendre que, bien que le droit international se doit d’être interprété de manière très large, il serait peut-être difficile d’attester que le concept d’écocide s’intègre pleinement et sans équivoque dans celui de crime contre l’humanité. 

 

Ainsi, quelles sont les alternatives? En fait, si nous nous rappelons bien, lors de la Seconde Guerre mondiale, il a été décidé qu’un nouveau concept était nécessaire pour combler un vide juridique : le crime contre l’humanité. Serait-ce donc possible d’appliquer la même logique pour l’écocide? Il est évident que les crimes contre l’environnement ont gagné en importance dans les dernières décennies et que les dégâts laissés en chemin sont de plus en plus ravageurs. Nous pourrions donc reconnaître que nous faisons face à un nouveau néant juridique, puisque rien ne semble retenir de manière appropriée la responsabilité des grandes entreprises ou des gouvernements, que ce soit quant à leurs actions ou même à leur inaction. La CPI pourrait donc introduire l’écocide comme le cinquième crime contre la paix, ce qui rendrait indubitablement plus facile la tâche de retenir la responsabilité des auteurs et autrices de ces crimes.

 

De plus, le Tribunal Monsanto a maintes fois mis en évidence, dans son rapport, qu’aucun obstacle d’ordre conceptuel ou normatif n’empêche une entreprise d’être tenue pénalement responsable d’un crime international. La responsabilité de l’entreprise, en tant que telle, se distingue de la responsabilité individuelle de chacun de ses dirigeant.e.s ayant pu être impliqué.e.s dans le comportement délictueux, qu’il s’agisse de cadres dirigeants ou de membres du conseil d’administration [54].

 

La juriste sénégalaise Dior Fall Sow, qui est d’ailleurs consultante à la CPI, s’est prononcée à ce sujet au Tribunal Monsanto :

 

Je pense que lorsque les États ne veulent pas assumer leur responsabilité, il y a un problème. On doit mettre en exemple la redevabilité des États, on ne peut pas signer des engagements internationaux régionaux et refuser de les appliquer. On doit reconnaître qu’il y a un lien. […] Les gouvernements sont souvent complices de ces grandes sociétés. Je pense qu’il y a là un travail à faire. Pour arriver à cette condamnation des firmes, il faut que le droit international évolue. Et cette notion d’écocide, moi j’y crois beaucoup.55

 

La comptine de l’écocide va comme suit : 

 

Feu, feu, joli feu

Notre planète brûle

(Et nous avec)

 

À nous d’agir. 

Sources

 

(1) AllRise, Communication under Article 15 of the Rome Statute of the International Criminal Court, 12 octobre 2021, en ligne : <https://drive.google.com/drive/folders/1dzrnMgpHuho2jDdAxKWHymdtyY5AD5xM>.

 

(2) Id.Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, R.T.N.U., vol. 2187, no. 38544, art. 15.

 

(3) À titre d’illustration, voir : Barry Weisberg, Ecocide in Indochina : the Ecology of War, San Francisco, Canfield Press, 1970.

 

(4) Nathalie De Pompignan, « Ecocide », SciencesPo, 3 novembre 2007, en ligne : <https://www.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance/fr/document/ecocide.html>; Tribunal international Monsanto, Avis consultatif, La Haye, 18 avril 2017, en ligne : <https://fr.monsantotribunal.org/Resultats#>, p. 53.

 

(5) B. Weisberg, préc. note 3.

 

(6) Id.; Tribunal international Monsanto, préc., note 4, p. 48-49.

 

(7) Tribunal international Monsanto, préc., note 4, p. 48-49.

 

(8) Ibid.

 

(9) B. Weisberg, préc. note 3, p. 58-61.

 

(10) Ibid.

 

(11) Tribunal international Monsanto, préc., note 4, p. 53.

 

(12) Stop Ecocide, Définition légale de l’écocide complétée, en ligne : <https://www.stop-ecocide.fr/definition-legale>.

 

(13) Association française des magistrats pour le droit de l’environnement,  «  As practitioners of criminal law we appreciate this contribution. Nevertheless we question this definition of ecocide, which may put judges and prosecutors into huge troubles » Twitter, 22 juin 2021, en ligne : <https://twitter.com/JusticeVerte/status/1407375034365140992?cxt=HHwWgICz0eOIgIgnAAAA>.

 

(14) Pauline Fricot, « Crime d’écocide : vers une définition universelle pour l’intégrer aux côtés des crimes contre l’humanité », Novethic, 8 juillet 2021, en ligne : < https://www.novethic.fr/actualite/environnement/pollution/isr-rse/crime-d-ecocide-une-definition-d-experts-pour-l-integrer-aux-cotes-des-crimes-contre-l-humanite-149953.html>.

 

(15) Maëlle Benisty, « Belgique : le crime d’écocide doit bientôt faire son entrée dans le Code pénal », Positivr, 31 janvier 2022, en ligne : <https://positivr.fr/belgique-crime-ecocide/>.

 

(16) Loi no 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, J.O. 24 août 2021.

 

(17) M. Benisty, préc., note 15.

 

(18) Stop Ecocide, Criminaliser l’écocide, en ligne : <https://www.stop-ecocide.fr/criminaliser-ecocide>.

 

(19) Tribunal International Monsanto, préc., note 4, p. 53-54; Statut de Rome de la Cour pénale internationale, préc., note 2.

 

(20) Ibid.

 

(21) Monsanto est désormais Bayer, il faut concéder qu’un changement de nom était probablement à leur avantage; International Monsanto Tribunal, Tribunal, en ligne : <https://fr.monsantotribunal.org/Comment_>.

 

(22) Ibid.

 

(23) Catherine Le Bris, Max Planck Encyclopedia of Public International Law, Oxford Public International Law, Septembre 2018, « International Monsanto Tribunal in The Hague », par. 33-34, en ligne : <https://opil-ouplaw-com.ezproxy.usherbrooke.ca/view/10.1093/law-mpeipro/e3204.013.3204/law-mpeipro-e3204?rskey=bSUdx0&result=1&prd=MPIL>.

 

(24) Statut de Rome de la Cour pénale internationale, préc., note 2, art. 121(3).

 

(25) Stop Ecocide, préc., note 18.

(26) Tribunal international Monsanto, préc., note 4.

(27) Guido Acquaviva et Fausto Pocar, Max Planck Encyclopedia of Public International Law, Oxford Public International Law, Juin 2008, « Crimes against Humanity », par. 5, en ligne : <https://opil-ouplaw-com.ezproxy.usherbrooke.ca/view/10.1093/law:epil/9780199231690/law-9780199231690-e768?rskey=wwASt6&result=1&prd=MPIL>.

 

(28) Ibid.

 

(29) Ibid.

 

(30) Statut du tribunal de Nuremberg, 8 août 1945, art. 6(c), en ligne : <https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1658>.

 

(31) G. Acquaviva et F. Pocar, préc., note 27, par. 13.

(32) Ibid.

 

(33) Ibid.

 

(34) Ibid.

 

(35) Statut de Rome de la Cour pénale internationale, préc., note 2.

 

(36) Id., art. 7(2)(a).

(37) Id., art. 7(1)(h); G. Acquaviva et F. Pocar, préc., note 27, par. 19.

(38) G. Acquaviva et F. Pocar, préc., note 27, par. 24.

(39) France 24, « Bresil’s Bolsonaro accused of ‘crime against humanity’ at ICC », Agence France-Presse, 12 octobre 2021, en ligne : <https://www.france24.com/en/live-news/20211012-brazil-s-bolsonaro-accused-of-crimes-against-humanity-at-icc>.

 

(40) Statut de Rome de la Cour pénale internationalepréc., note 2, art. 7.

 

(41) Id., art. 7(1).

 

(42) Ibid.

 

(43) Id., art. 7(2)(a).

 

(44) Id., art. 7(1).

 

(45) Ibid.

 

(46) Id., art. 7(2)(b).

 

(47) World Wildlife Fund, Amazonie : poumon vert de la planète, en ligne : <https://www.wwf.fr/espaces-prioritaires/amazonie>.

 

(48) Statut de Rome de la Cour pénale internationale, préc., note 2, art. 7(2)(b).

 

(49) À titre d’illustrations, voir : Arnaud Touati, « Quand le développement prime sur l’environnement : la déforestation en Amazonie brésilienne », (2008), 143, Mondes en développement 97 ; Angela Eykelbosh, Short- and long-term health impacts of marine and terrestrial oil spills, 2014, en ligne : <https://www.sjcmrc.org/media/17548/short-and-long-term-health-impacts-of-marine-and-terrestrial-oil-spills.pdf> ; Mae-Won Ho et Brett Cherry, Death by Multiple Poisoning, Glyphosate and Roundup, 2009, en ligne : <http://www.i-sis.org.uk/DMPGR.php>.

 

(50) Id., art. 7(1)(k).

(51) À titre d’illustration, voir : World Wildlife Fund, préc., note 47.

(52) Arnaud Touati, « Reconnaissance de l’écocide : où en est-on? », L’info durable, 23 juin 2019, en ligne : <https://www.linfodurable.fr/environnement/reconnaissance-de-lecocide-ou-en-est-11942>.

(53) Prosecutor v. Kunarac et al., IT-96-23-T& IT-96-23/1-T, Jugement, 22 février 2001, par. 103, (Tribunal international du Procureur des personnes responsable de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991), en ligne : <http://www.icty.org/x/cases/kunarac/tjug/en/kun-tj010222e.pdf>.

(54) Tribunal International Monsanto, préc., note 4, p. 53.

(55) Marie-Monique Robin (journaliste et réalisatrice), The International Monsanto Tribunal, The Making of :, Chapitre 12, , 2018 [film documentaire], en ligne : < https://vimeo.com/273595528>.

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