Les programmes de Droit et politique appliqués de l'État (DPAE): des programmes à découvrir
Rédigé par Mara Chagnon
Le journal L’Obiter est très heureux de vous présenter les programmes de Droit et politique appliqués de l'État (DPAE). Nous avons eu la chance de nous entretenir avec Pr Guillaume Rousseau, directeur des programmes de Droit et politique appliqués de l’État, Me François Côté, chargé de cours à forfait au DESS en Droit et politique appliqués de l’État ainsi que M. Jérémie Hudon, étudiant au DESS en Droit et politique appliqués de l’État.
Entretien avec Guillaume Rousseau
Pouvez-vous vous présenter brièvement?
Je suis Guillaume Rousseau, je suis directeur des programmes de Droit et politique appliqués de l'État. On dit toujours des programmes, parce que vous l'avez sans doute compris, il y a deux programmes : il y a un DESS qui est un programme de 2e cycle qui s’étend sur huit mois, de septembre à avril, et un microprogramme de stage, toujours en droit et politique appliqués de l'État, qui est de 400 heures. Sinon, je suis professeur titulaire et j'ai été vice-doyen pendant la pandémie.
Pouvez-vous nous présenter le contexte de création des programmes de Droit et politique appliqués de l'État? Pourquoi ceux-ci ont-ils été créés et comment se démarquent-ils des autres programmes?
Je suis tombé vice-doyen et j’ai eu une grève des chargés de cours, le tout suivi d'une pandémie. Mes responsabilités comme vice-doyen étaient à la fois de m'occuper du baccalauréat évidemment, le navire amiral avec beaucoup d'étudiants et étudiantes, ainsi que de m’occuper des programmes de cycles supérieurs autres que les maîtrises recherche et doctorats recherche qui relevaient, à l’époque, de la vice-doyenne à la recherche. Il y a beaucoup de programmes de cycles supérieurs, comme vous le savez, avec PRD, DIPIA, droit criminel et pénal. Puis, en étant vice-doyen, j'ai réalisé qu'il y avait probablement un créneau qu’on n’occupait pas malgré nos nombreux programmes de 2e cycle. La formation de juristes de l'État ainsi que la formation de juristes pour le monde politique : on ne les avait pas nécessairement. On avait DIPIA pour la scène internationale, mais pas pour la politique ou pour l'État québécois, l'État fédéral et les municipalités. Ça, c'est quelque chose qu'on couvrait moins alors que, quand on regarde les statistiques, il y a plus de juristes de l'État que de procureurs de la Couronne même s'il y a beaucoup de procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Nous avons pensé que nous avons un programme pour les procureurs aux poursuites criminelles et pénales, mais les juristes de l’État sont encore plus nombreux et ils et elles n’ont pas de programme spécifique pour les former. Puis, aussi, je recevais souvent des appels de Québec ou d'Ottawa : des gens me demandaient des CV, ils ont besoin d'un candidat ou une candidate juriste, mais qui s'y connaît en politique. Finalement, je n’en avais pas beaucoup des CV comme ça. Donc, à un moment donné, je me suis dit, j’ai un besoin sur le marché du travail, je vois que, à notre université, on n’offre pas ça. Je suis donc parti en exploration un peu par rapport à ça. Je suis allé voir tous les programmes qui existent ailleurs et j’ai eu confirmation qu’il n’y avait rien. Il y a des programmes de légistique à Laval ou à Ottawa, on apprend à rédiger des lois, mais c'est plutôt monodisciplinaire. Moi, je voulais quelque chose de plus interdisciplinaire qui encadre droit et politique et ça, ça n'existait pas. On a vu qu’il y avait un manque, puis j'ai tout de suite contacté des gens de Justice Canada, Justice Québec et c'est avec eux et quelques autres qu’on a monté le programme.
Ensuite, comment les programmes se démarquent, c'est vraiment par l'approche interdisciplinaire et par l'aspect pratique. J’ai vu certains programmes canadiens qui mariaient le droit à la philopolitique, mais ils restaient très théoriques. Ce sont des programmes de type recherche alors que, nous, ça se veut vraiment quelque chose de très appliqué et ça, ça n'existait pas. Il y avait le DIPIA qui est vraiment notre source d'inspiration, mais qui est en droit international, en politique internationale. Donc, nous, on s'est dit qu’on allait faire la même chose, mais en droit québécois et canadien. C'est beaucoup là que c'est innovant, mais effectivement, pour avoir fait le tour de tous les programmes, de tous les sites Web et de toutes les descriptions de programmes, il n’y avait rien. Il y avait un peu de légistique à l’Université Laval, mais presque uniquement pour des professionnels qui prennent une petite pause, c’est plus monodisciplinaire. Lorsqu’on a abordé le ministère de la Justice du Québec, il nous disait qu’ils et elles étaient justement en train de créer des formations, car les juristes qui arrivaient avec un baccalauréat et l’École du Barreau, il leur manquait un peu de connaissances. D’une part, il n’existait pas de formation précise pour former des juristes de l’État et, d'autre part, on avait vu que dans les offres d'emploi, même pour des plaideurs et plaideuses, il y avait dans les atouts à avoir, des connaissances en science politique ou de l’expérience du monde politique parce que, forcément, le procureur général et les plaideurs et plaideuses font parfois affaire avec le bureau du procureur général et donc, le politique. Du côté des politologues, il y a beaucoup de diplômés, il y a beaucoup de départements de science politique au Québec et puis ce n’est pas toujours facile de se démarquer quand on a un baccalauréat en science politique ou même une maîtrise. Donc, de former des gens qui ont un bac en science politique, mais un DESS en droit et en politique, c'est vraiment quelque chose d'intéressant qui leur permet de se démarquer sur le marché du travail. Ce qu'on cherche, nous, c'est de former des gens à la fois pour la fonction publique, je parle des juristes de l'État et, plus largement, les fonctionnaires.
En outre, les notions juridiques sont utiles, mais comme telles, le fonctionnement d'un cabinet, les habiletés politiques, on ne voit à peu près pas ça dans notre baccalauréat en droit. Ainsi, tout ce volet-là, on voulait le développer aussi et on est pas mal dans les premiers, je pense.
À qui s’adressent ces programmes? Quelles qualités ou compétences l’étudiant ou l’étudiante doit-il ou doit-elle posséder pour réussir dans ces programmes?
Le profil qui n’est pas si atypique, c'est quelqu'un qui aurait fait des études de 1er cycle en droit ou en politique. On a aussi parfois eu des profils un peu atypiques. En fait, on a pris des gens qui avaient peut-être plus une majeure en science politique et une mineure en communication parce que, dans le programme, il y a aussi de la communication. On l'oublie parfois, mais on fait en sorte que les étudiants et étudiantes rédigent des politiques publiques, des projets de loi et, après ça, qu’ils et elles les présentent (conférences de presse). On ne l’avait pas prévu au début, mais quelqu'un qui a une formation en communication et qui démontre de l’intérêt, on peut le ou la prendre aussi. À partir de là, on a ouvert à plusieurs profils, sciences sociales un peu plus largement, mais ça devient un peu du cas par cas. Voilà un peu le type d’étudiants et étudiantes qu'on recherche.
En fait, le premier cours qu'on a c'est un cours de notions fondamentales en droit pour les diplômés en science politique ou un cours de notions fondamentales en science politique pour les diplômés en droit. Notre premier cours est monodisciplinaire pour que tout le monde soit un petit peu au même niveau avec un vocabulaire commun. Ensuite, on passe aux cours interdisciplinaires.
Le programme suit la vie d’une loi, de sa conception au niveau des idées politiques à sa rédaction comme projet de loi, adoption parlementaire, contestation devant les tribunaux, et donc tout le cycle de vie d'une loi, ce qui nous mène à cette formule de cours intensifs. C'est là où c'est un peu un défi, c'est un peu inhabituel contrairement au baccalauréat en droit. Donc, il y a du boulot, il y a le côté intensif qui peut surprendre un peu. Il faut être prêt et prête à travailler dur, mais ça reste réaliste. L'autre avantage, c'est qu'on a une petite cohorte, c'est 11 étudiants et étudiantes cette année. Il s’agit de la première année, c’est assez normal comme chiffre. En ce moment, les inscriptions vont bien, donc on peut en avoir un petit peu plus l’année prochaine, mais on ne veut pas avoir un groupe de 30. Si jamais on avait un groupe de 30, probablement qu'on ferait deux cohortes. La pédagogie fait qu’un procès simulé à 30, on imagine cela difficilement. Avec un plus petit groupe, les messages sont passés rapidement et les ajustements se font rapidement.
La compétence qu'on va rechercher, c'est surtout la rédaction. Donc, la rédaction de lois, il n’y a pas d’autre façon de le faire qu’à l’écrit. Ensuite, même chose au niveau parlementaire, ce sont beaucoup des modifications et tout. Au niveau du procès simulé, il y a deux cours de procès simulés. C’est intéressant parce qu’au baccalauréat, ce n’est pas tous les étudiants et toutes les étudiantes qui en font un, et je pense que beaucoup aimeraient le faire. Puis, un des procès vaut six crédits, ce qui permet de vraiment prendre le temps de le faire. Pendant un mois et demi, on fait le procès simulé. Les trois premiers crédits, c’est tout ce qui se passe avant le procès : requête introductive d’instance, défense, actes d'intervention, interrogatoire préalable, conférence de gestion, rapport d'expert. Le deuxième trois crédits, c'est vraiment le procès comme tel : interrogatoire, contre-interrogatoire, plaidoirie. On a vraiment le temps de faire ce qu’il faut. Puis, l’étudiant va être appelé à rédiger des écrits plus juridiques: opinion juridique, actes de procédure, donc écriture un peu technique avec des règles, paragraphes numérotés ainsi qu’à rédiger des extraits de rapports d'experts de science politique. Alors, c'est un autre type d'écriture : on développe les compétences à l'écrit dans différents contextes. Par la suite, on regarde aussi les compétences à l’oral. En effet, l’oral sera très important dans plusieurs contextes, par exemple la simulation de rencontre avec le client, les plaidoiries et les conférences de presse.
Comment qualifieriez-vous l’objectif principal de ces programmes? Avec quels outils l’étudiant ou l’étudiante ressort-il ou ressort-elle de ce programme?
Je pense que les étudiants et étudiantes acquièrent des compétences à l'écrit et à l'oral, des connaissances de tous les milieux professionnels où il y a droit et politique, donc essentiellement la fonction publique, les assemblées législatives et les municipalités. On les forme pour ça. Puis, l'idée c'est vraiment de les emmener directement au marché du travail dans un emploi qui leur convient. Quelqu'un qui a un intérêt pour la politique et qui vient chez nous et se spécialise, ses chances d’obtenir non pas seulement un emploi, mais un emploi bien rémunéré qu’il apprécie, augmentent. Aussi, souvent avec les emplois politiques, ce qui est intéressant, c’est qu’ils peuvent être conformes à nos valeurs. Bref, je pense que c'est vraiment ça le DESS en Droit et politique appliqués, c'est que ça spécialise l’étudiant ou l’étudiante en assez peu de temps pour occuper un emploi intéressant à la fois en termes de conditions de travail salariales et en termes de conciliation travail-famille.
Les cas plus typiques qu’on a, ce sont des gens qui sortent du baccalauréat pour l'École du Barreau qui vont faire leur DESS huit mois chez nous puis après ça, qui font le microprogramme de stage qui, par ailleurs, peut aussi compter pour un stage du Barreau. Donc, est-ce qu'on fait l’École du Barreau avant le DESS ou l’inverse? La réponse est que les deux sont possibles. Quelqu'un qui aurait fait le baccalauréat, l’École du Barreau et viendrait chez nous pour le DESS, il pourrait faire le microprogramme de stage chez nous qui pourrait compter aussi pour un stage du Barreau. Ce n’est pas automatique, c'est-à-dire qu'il faut que le stage corresponde à tout ce que le Barreau cherche et à ce qu’on cherche. Nous, ce qu'on recherche, c’est droit et politique, mais si vous cochez les petites cases des deux formulaires, vous pourriez avoir un stage qui compte double, donc cette formule est bonne. L'autre formule qui est de dire que quelqu'un fait son baccalauréat et ensuite le DESS, on pense que c'est une bonne formule aussi parce que le Barreau, ça peut être difficile. Donc, si on arrive avec un peu plus de maturité, une éthique de travail encore plus développée, ça peut favoriser la réussite au Barreau. Puis, l'autre chose, c'est que le DESS est en droit et en politique. Le côté juridique est quand même assez costaud pour dire que ce n’est pas comme si quelqu'un fait une maîtrise dans un domaine complètement différent, puis il revient à l'École du Barreau deux ans plus tard et ça fait longtemps qu’il n’a pas vu du droit. Non, chez nous, c'est juridique, même si c’est interdisciplinaire, le contenu juridique demeure très fort. Il y a du droit public, il y a de la procédure, toutes des choses utiles à l'École du Barreau. Une personne qui vient au DESS chez nous et qui poursuit à l’École du Barreau, elle va arriver mieux préparée à l'École du Barreau que si elle y était allée directement après son baccalauréat. Donc, nous après le DESS, on a, je pense, sept sessions pour faire le microprogramme; ce n’est pas nécessairement l’été ou l’automne d’après. Quelqu'un a amplement le temps de faire son École du Barreau huit mois, un an ou un an et demi et après, faire son stage Barreau et le DESS. Les deux formules sont possibles, c'est vraiment ça l'objectif, former quelqu'un qui se spécialise puis, huit mois après, il ou elle a un stage et, autant que possible, un stage qui mène à un emploi. Puis, je vous dirais, dans le contexte actuel aussi, il y a beaucoup d'employeurs qui cherchent des employés. On est assez bien partis pour trouver des stages non seulement intéressants en ce qui concerne la rémunération, de responsabilités, mais aussi en ce qui concerne les possibilités que le stage devienne un emploi plus permanent.
Pouvez-vous nous parler plus particulièrement du microprogramme optionnel de stage d'intervention en Droit et politique appliqués de l'État? Quels sont les milieux de travail envisageables et quelle est la plus-value de faire ce microprogramme?
Le microprogramme de stage, c’est essentiellement deux choses : le stage rémunéré, qui est de 400 heures, donc on a à peu près un stage de trois à quatre mois dépendamment si celui-ci est de 35 heures ou 40 heures par semaine, suivi d’un rapport de stage. L’idéal, comme on le dit souvent, c’est de faire le rapport au fur et à mesure : le soir et les fins de semaine, on prend des notes sur ce qu'on a appris au travail et tout. On fait une espèce de métacognition, de réflexion sur ce qu'on a appris sur le terrain, on fait un petit rapport, on envoie ça et on donne neuf crédits. Donc, on a un diplôme supplémentaire, un microprogramme de stage d’intervention en Droit et politique appliqués de l'État. L'objectif c'est vraiment qu'à la fin, on tombe dans la pratique parce que sinon, si on fait juste un programme hyper pratique pour finalement ne pas pratiquer dans le domaine, ce serait un petit peu bizarre. Donc là, on apprend vraiment par des simulations. Au début, il y a quelques cours un petit peu plus théoriques, mais déjà un peu pratiques, ensuite, des simulations. Là, on est vraiment dans la pratique, mais simulée. Puis, la vraie pratique sur le terrain. Il y a comme une suite logique avec le DESS et le microprogramme de stage.
Ce qu'on regarde comme milieu de travail, je le disais plus tôt, c’est essentiellement la fonction publique, municipale, québécoise, fédérale et le cabinet politique, encore là municipal, québécois, fédéral. Peuvent toutefois s'ajouter à ça des firmes de relations publiques, des firmes de lobbying qui ont souvent des clients et clientes qui suivent les processus législatifs. Il y a également les ministères, à la fois le côté administratif et le côté politique, et les assemblées législatives (Québec, Ottawa et, dans une moindre mesure, les municipalités). Ça, c’est vraiment la base, nos gros bassins de stages potentiels. On a aussi commencé à regarder les journalistes politiques et parlementaires parce qu’il y a un peu de communication dans le programme, comme je disais plus tôt, avec les conférences de presse, les petits points de presse et puis, en même temps, un ou une journaliste politique, journaliste parlementaire, il faut que ça connaisse le droit parlementaire, il faut qu’il ou elle connaisse le processus parlementaire. Même chose, un ou une journaliste qui suit la scène judiciaire, il faut que ça connaisse un petit peu minimalement et idéalement la procédure, donc on pense que si on avait un stagiaire qui était vraiment motivé, on pourrait peut-être trouver quelque chose auprès d'un ou une journaliste politique parlementaire.
Finalement, le Pr Rousseau souhaite informer la communauté étudiante qu’il demeure disponible pour les étudiants et étudiantes. Vous pouvez donc lui écrire un courriel afin de prendre rendez-vous avec lui et ce dernier pourra répondre à toutes vos questions concernant les programmes de Droit et politique appliqués de l’État.
Entretien avec Me François Côté
Pouvez-vous vous présenter brièvement? Pourquoi avez-vous décidé de devenir chargé de cours à forfait pour le DESS en Droit et politique appliqués de l'État?
Je suis Me François Côté, je suis avocat depuis 2010 et avant cela, j’ai fait mon baccalauréat ici à Sherbrooke et j'ai également fait une maîtrise en common law et en droit transnational, toujours ici à l’Université de Sherbrooke. J’ai aussi fait une maîtrise en droit international à l'Université Montpellier en France. Puis, j'ai également une maîtrise en biologie moléculaire comme j’ai fait le parcours droit et biotechnologie, droit et sciences de la vie que ça s’appelle maintenant. Sinon, je m’implique depuis des années à l'évolution du droit au sein de la sphère politique. Je vous dirais que quand j'ai commencé ma pratique, j'ai fait quelques premières années dans le secteur privé, mais j'ai toujours été intéressé depuis mes années d’étudiant au développement des questionnements politiques. Cela n’était pas forcément dans une optique partisane, mais bien dans l'optique de l'évolution des lois et du droit de notre nation : vers quelle direction s'en va-t-on? J’ai été amené à me rapprocher du monde politique, à participer à des conférences et à des activités de centre de recherche, à me rapprocher d’auteurs et d’autrices qui écrivent des articles, à commencer à commenter des projets de loi, à monter dans les médias et à aller à l'Assemblée nationale. Une chose menant à l’autre, mon intérêt envers la politique m’a amené à m’embarquer dans le doctorat en droit, que je suis actuellement en train de terminer. Par cette perspective, j'ai souvent été proche à la fois de la réalité pratique, mais aussi de son pendant théorique, ce qui m'amène proche du domaine académique où la théorie et la pratique se rencontrent.
Je peux ensuite embarquer sur votre seconde question « pourquoi avez-vous décidé de devenir chargé de cours à forfait dans le programme de droit et politique de l’État ». C’est une question qui tient en elle-même deux sous-questions, « pourquoi avez-vous décidé de devenir chargé de cours à forfait? » et « pourquoi au DPAE? ». Pourquoi chargé de cours à forfait? Parce que c'est mon objectif de devenir éventuellement professeur et c'est une étape importante dans mon propre cheminement de parcours. J’ai des responsabilités qui sont pratiquement celles d’un « lieutenant de programme », je fais la coordination avec les étudiants et étudiantes et la direction. Aussi, je dévore de l'enseignement, j'en fais depuis des années : je ne voudrais jamais renoncer à ça. C'est aussi une manière de me rapprocher du milieu universitaire, des fonctions professionnelles avec cette première étape dans mon parcours. Après ça, chargé de cours à forfait, oui, mais pourquoi au DPAE, pourquoi ce programme-là : alors là, c'est plus intéressant. Le programme de DPAE est un programme unique et novateur au Québec, je ne dis pas ça juste pour flatter le programme. On est littéralement le seul (et nouveau) programme à parler de droit et politique appliqués de l'État. On a des programmes qui le font dans une perspective internationale, mais pour le droit national et local, on est seul : le seul ici à Sherbrooke et le seul dans tout le Québec.
Il y a un besoin du marché du travail, pas seulement au sein de la fonction publique, mais également dans le secteur privé qui orbite autour de la fonction publique : les firmes de relations publiques, tout ce qui relève des médias, du lobbying, des associations de société civile, mais beaucoup plus du côté de l’État, soit les sociétés d’État et les cabinets d’élus. Il y a donc un besoin d’avoir des juristes spécialisés en politique ou alors inversement, des politologues avec une spécialisation en droit. Les décideurs et décideuses et les gestionnaires de la haute fonction publique des cabinets ministériels de l'appareil d'État ont besoin de personnel spécialisé dans les deux disciplines à la fois. C'est nécessaire et c'est justement pour combler ce besoin qu’on a fondé le DPAE, pour être capable de former de tels professionnels qui seront à la fine pointe de l'actualité en matière théorique et en matière pratique.
Pouvez-vous nous parler de l’interrelation entre le droit et la politique? En quoi ces deux domaines sont-ils liés?
En fait, le droit et la politique sont presque naturellement et spontanément liés comme une réalité humaine qui traverse les sociétés depuis le début de l’histoire. Le droit est la manière par laquelle la politique peut s'exprimer et matérialiser les choix normatifs de la nation. En même temps, la politique est un véhicule par lequel le droit va évoluer. Il y a une espèce de rapport de renforcement entre les deux : la politique qui est l'expression des volontés de la population, le droit qui est la matérialisation de ces volontés dans un rapport de contrôle constant pour assurer le respect des droits individuels en même temps que de favoriser la poursuite des idéaux collectifs de la société. C'est cette espèce de recherche d'équilibre qui est constamment derrière tous les grands progrès et toutes les avancées historiques qu’on a eues dans les sociétés. Lorsqu'il y a un enjeu politique, comment se traduit-il au travers d'une loi; quand il y a une loi qui contestée et critiquée, qu'est-ce que ça fait, outre des ramifications politiques? Les deux domaines se côtoient constamment et on pourrait même se demander quand ce n’est pas le cas.
Quelle est la dynamique en classe en considérant que l’on peut retrouver des étudiants et étudiantes provenant tant du baccalauréat en droit que du baccalauréat en science politique?
Je vous dirais qu’elle est excellente, la dynamique de bonne camaraderie étudiante : on a une dynamique d’entraide et de coopération. Nos deux disciplines sont complémentaires. Déjà, à la base, lorsque nous sommes rendus étudiants et étudiantes au second cycle, on a déjà plusieurs intérêts communs, des traits de personnalités communs et tout. Les rencontres se font très bien et des amitiés se créent. C'est vraiment sympathique. De plus, on s’assure de mettre les deux à niveau avant de les faire rentrer dans le cursus commun. Les étudiants et étudiantes qui ont un profil droit vont aider les étudiants et étudiantes qui ont un profil science politique à mieux capter les notions juridiques vice-versa. Ils et elles s’en vont tous et toutes dans une direction et, simplement, c'est beau à voir. Il y a vraiment un renforcement de synergies, c'est efficace et ça marche. Il y a une très bonne dynamique, tous les étudiants et toutes les étudiantes sont heureux, je dirais.
Pouvez-vous nous parler davantage des différentes simulations offertes par le programme : celle de l’élaboration d’un texte normatif, celle des travaux parlementaires et celle de la contestation judiciaire d’une politique? Quel est l’objectif de faire réaliser ces simulations aux étudiants et étudiantes?
L'objectif c'est justement d'en faire des juristes politologues prêts et prêtes à entrer dans le marché du travail, qui sont capables d'accompagner et de conseiller les décideurs et décideuses, on parle ici de ministres, sous-ministres, hauts responsables aux fonctions publiques, et éventuellement d’en devenir eux-mêmes et elles-mêmes pour justement créer les nouvelles lois et politiques de la nation au fur et à mesure de l'avancement des débats démocratiques. Dans cette perspective-là, on essaie d’amener nos étudiants et étudiantes, dans les huit mois compressés, à comprendre la réalité de travail principal du droit et de la politique appliqués à ce niveau-là.
Cette année, d’ailleurs, on a pris comme modèle de projet de loi fictif, un projet de loi destiné à abaisser l'âge du droit de vote à 16 ans et à rendre le vote obligatoire. Après cela, les projets de loi qu’on prend comme fil directeur du programme, on n'a pas besoin d’être pour, on n'a pas besoin d'être contre, il faut que ça suscite la discussion. Pour les fins du projet de loi, on prend évidemment un projet de loi qui se fait contester. Si on prenait un projet de loi sur lequel on s’arrêtait là, ça ne serait pas amusant. On a une première ronde de simulation où il y a des simulations de travaux : rédaction de textes normatifs et interactions avec les acteurs et actrices dans le dossier.
Puis, il y a une simulation qui est plus parlementaire, qui est un peu la continuité de la première. Les étudiants et étudiantes apprennent à la simulation parlementaire que, quand vous voulez présenter un projet de loi, il faut le faire inscrire au feuilleton, il doit être défendu par le député, il y a une première lecture, c’est envoyé en commission. Ensuite, il y a ce qui se passe en commission, deuxième lecture, ça revient. Il faut être capable de suivre, il faut être capable de savoir ce qui se passe, et on simule ça également pour que les étudiants et étudiantes aient un apprentissage concret de comment ça se passe pour que, plus tard, une fois qu'ils et elles auront terminé leur parcours dans notre programme, lorsqu'ils ou elles vont aller travailler auprès de la fonction publique que ce soit au niveau québécois, fédéral ou au niveau municipal, qu’ils et elles ne soient pas totalement perdus. Au contraire, ils et elles savent ce qu’ils et elles font. Puis, après le volet de simulation parlementaire qui aboutit à l'adoption du projet de loi, on termine avec une simulation de contestation judiciaire.
Pour la simulation politique, les étudiants et étudiantes se mettent en groupe gouvernemental et groupe d'opposition; ils et elles ne sont pas tous et toutes du même côté. Le groupe d’opposition attaque le projet de loi, le groupe gouvernemental essaie de le défendre. Il y a des compromis qui peuvent se faire et ainsi de suite, mais on simule vraiment l'adoption du projet de loi avec tous les aléas et tous les détours qui peuvent être rencontrés parce qu'un projet de loi, ce n’est jamais une ligne droite, ça peut avoir l’air de ça vu de loin, mais en politique, si vous regardez, il y a énormément de détours avant d’arriver à l’arrivée. Puis, au niveau de la contestation judiciaire, même chose, on place nos étudiants et étudiantes dans trois groupes, cette fois-ci, un premier groupe qui représente le gouvernement qui veut défendre sa loi, un deuxième groupe qui conteste la validité de la loi et un troisième groupe qui serait intervenant voulant entrer dans les procédures en cours de route. Donc, on simule typiquement le processus de contestation constitutionnelle d'un projet de loi à la lumière des tests de Oakes et compagnie, le fameux test de proportionnalité et tout. Ça va diriger le volet de simulation judiciaire là-dedans, non sans rappeler la défense que font les procureurs du gouvernement dans la réalité de nos lois. Quand je dis la défense que font les procureurs du gouvernement, ça implique également des critiques que font les procureurs adverses également. Bref, il n’y a pas juste deux personnes impliquées, il y en a une panoplie avec beaucoup de nuances et on veut amener nos étudiants et étudiantes à se familiariser avec tout ça, avec les règles et les principes directeurs de la preuve et de la procédure, le principe de proportionnalité et tout pour être capable de naviguer concrètement dans cet univers. On essaie de représenter le tout de la manière la plus fidèle et la plus efficace possible.
Entretien avec M. Jérémie Hudon
Est-ce que vous pouvez parler un peu de votre parcours : qu’est-ce qui vous a amené à vous inscrire au DESS en Droit et politique appliqués à l’Université de Sherbrooke? Avez-vous également choisi de vous inscrire au microprogramme optionnel de stage d'intervention en Droit et politique appliqués de l'État? Que souhaitez-vous faire suite à la complétion de ce ou ces programme(s)?
J’ai fait un baccalauréat en droit à l’Université de Sherbrooke, cheminement régulier. Je l’ai fait en quatre ans parce que j’ai dû interrompre mon parcours pour des raisons de santé. C’est un peu ça qui m’a poussé à me réorienter. J’ai toujours eu un intérêt marqué pour la politique, pour la sphère publique et pour ce qui se passe dans les médias, mais c’est en avançant dans le baccalauréat que j’ai réalisé la force du lien entre le droit et la politique. À la base, je voulais faire du droit criminel, mais, entre autres, mes ennuis de santé m’ont amené à réfléchir et je me suis rendu compte que ce qui me passionnait surtout, c’était la politique. J’aime le droit, mais la politique, ça me passionnait davantage. J’ajouterais que j'ai fait des cours de fondement du droit, de philosophie du droit et un cours à option qui était « Religion, droit et laïcité », c'est vraiment en faisant ces cours que j'ai pris conscience du lien entre le droit et la politique avec la philosophie, la sociologie et plein de choses. C'est ainsi que j’ai su que le droit, ça m’ouvrait aussi d’autres portes. Je le savais, mais il y a une différence entre le savoir et en prendre conscience.
Pour la dernière question, oui, je veux faire le stage d’intervention et pour ceux et celles ayant un baccalauréat en droit, il y a souvent la possibilité de combiner le microprogramme-stage du DPAE avec le stage du Barreau et faire une sorte de 2-en-1. C’est vraiment intéressant lorsque tu sors du baccalauréat et que tu as ton Barreau à faire, mais que tu souhaites te spécialiser là-dedans. C’est bien intéressant, car le microprogramme est de quatre mois et le stage du Barreau est de six mois. Les quatre premiers mois seraient combinés, mais ce serait à valider au cas par cas. Je souhaite faire mon Barreau à la suite du programme. Après mon Barreau et mon programme, j’aimerais être juriste de l’État, donc avocat pour un des nombreux ministères du gouvernement ou les secrétariats. On voit ça dans le programme, il existe plusieurs organismes gouvernementaux et paragouvernementaux qui emploient des juristes. Sinon, peut-être du droit constitutionnel si possible, comme j’ai l’impression d’être encore plus dans le lien entre la politique et le droit en faisant du droit constitutionnel, mais pas nécessairement, je reste ouvert. Mes horizons sont aussi ouverts pour autre chose complètement : carrière dans les médias ou faire de la politique, quelque chose comme ça. Je pense que c’est quelque chose que le programme nous forme à faire éventuellement, si on le souhaite!
Qu’appréciez-vous le plus du programme?
Ce que j’apprécie le plus du programme est l’aspect pratique. La formation pratique de simulation, c’est vraiment axé sur le marché du travail. Souvent, nos professeurs pratiquent : ils et elles sont des juristes de l’État ou ont de l’expérience politique. Par exemple, l’un de nos professeurs est un ex-ministre, c’est très intéressant d’avoir cet aspect. Il y a un bon rythme au programme, c’est sûr qu’on ne s’ennuie pas, ça peut être positif ou négatif dépendamment des personnes, mais, moi, j’aime ça. Sinon, les professeurs ont beaucoup d’expérience et sont issus de plein de milieux différents, certains du milieu universitaire et d’autres, de la recherche. Sinon, c’est une petite cohorte, il y a un esprit de groupe presque familial, ce qui est bien.
À votre avis, quels sont les plus grands défis auxquels vous devez faire face à titre d’étudiant dans le cadre de vos études?
Le rythme est rapide, c’est la gestion du temps. Le programme se donne selon une formule intensive : c'est un cours à la fois. Pendant deux ou trois semaines, tu as un cours et tu as plusieurs évaluations qui s’enchaînent; tu peux vraiment te concentrer sur un cours à la fois, mais cela fait en sorte que tu as comme une petite fin de session à chaque deux semaines. Il y a beaucoup d'évaluations, de travaux à remettre dans un laps de temps relativement court, ce qui reflète le marché du travail aussi d'ailleurs : c'est un peu voulu de cette manière. Ce qui est demandé, c’est adapté en conséquence. On ne s’attend pas non plus de nous qu’on fasse des recherches exhaustives en deux jours. On se fait dire que, souvent, dans l'appareil gouvernemental, tu n’as pas nécessairement le temps d’effectuer une recherche de trois semaines, mais, en deux jours, il faut que tu produises quelque chose qui se tient.
Pour clore cette entrevue, selon vous, quelles qualifications ou qualités sont requises pour qu’un étudiant ou une étudiante performe dans les programmes? Quels conseils donneriez-vous à un futur étudiant ou à une future étudiante voulant s’inscrire dans ces programmes?
La meilleure qualité, ce serait la capacité d'adaptation je dirais, c'est un peu en lien avec la gestion du temps, puis le fait que ça va vite. Il faut, en fait, être polyvalent. Les formes d'évaluation que nous avons sont très variées. Parfois, il faut écrire des travaux et d’autres fois, c’est de la lecture. Ensuite, il faut résumer les textes en classe; il y a beaucoup d'oraux. Il faut s'exprimer devant de petits groupes : simulations de conférence de presse, de « scrum » (ce qu’on appelle lorsque les politiciens et politiciennes sortent de l'Assemblée nationale et sont assaillis par les journalistes). Bref, on a beaucoup de simulations! Puis, comme le rythme est rapide, il faut être capable en quelques jours de se faire une tête sur un sujet sans justement devenir spécialiste et faire une longue recherche, de comprendre grosso modo les différents enjeux. Par, exemple on a travaillé beaucoup sur le vote à 16 ans, le vote obligatoire et le vote électronique. Il a fallu monter un projet de loi en quelques semaines, il a fallu se plonger là-dedans, mais, moi, je ne connaissais rien là-dedans avant ça, je ne suis pas nécessairement expert, mais en deux semaines, je me suis fait une tête sur le sujet. Sinon, pour un étudiant ou une étudiante en droit, je lui conseillerais de suivre la politique peut-être dans l’été avant que le programme commence, de s’intéresser un peu plus à ça, à l'histoire politique du Québec aussi, comprendre les principaux enjeux. Puis, pas nécessairement que l'actualité au jour le jour est évaluée dans le programme, mais c'est plus pour avoir une vue d'ensemble. Une autre raison est le fait que la moitié des personnes provient d'un parcours en droit et l’autre moitié, d’un parcours en politique et a donc fait beaucoup de science politique (ce que nous, en droit, on a peut-être moins fait). Ce n’est rien de dramatique, mais, moi, j’avais parfois un peu l’impression d’être à la traîne par rapport aux gens qui ont fait un baccalauréat en politique, notamment en ce qui concerne Aristote, Nietzsche et tous ces philosophes que je ne connais pas ou peu. Ça m’aurait aidé dans cet été-là de regarder des vidéos sur YouTube, des tutoriels, si l’on veut, sur des philosophes ou sur les principaux concepts des philosophes. Tout cela pourrait être utile. On serait alors extrêmement préparé au programme, mais, dans tous les cas, le programme débute avec deux cours d'appoint pour les étudiants et étudiantes issus du baccalauréat en droit et du baccalauréat en science politique. Pour ma part, j’ai fait un premier cours en notions fondamentales en science politique (et vice-versa, les gens qui ont baccalauréat en politique ont un premier cours de notions fondamentales en droit). Cela permet donc de mettre les personnes des deux parcours sur la même longueur d’onde.