top of page
1.png

Être légiste : à la croisée des chemins législatif et politique

Rédactrice: Simone Fluet-Gendron

Ayant obtenu un baccalauréat en droit de l’Université de Sherbrooke, Me Anne Parent a ensuite complété un microprogramme de 2ème cycle en rédaction législative à l’Université Laval. Elle occupe aujourd’hui un emploi qui concilie harmonieusement ses intérêts envers le droit, la politique et la rédaction.

 

Toute l’équipe du journal L’Obiter se réjouit de vous présenter, en collaboration avec le ministère de la Justice du Québec, un accès inédit et concret à la profession de légiste, telle qu’elle est vécue au quotidien par Me Parent. Nous souhaitons la remercier chaleureusement d’avoir accordé de son temps à notre équipe de rédaction afin de nous donner l’opportunité de faire connaître un emploi qui la passionne au lectorat de L’Obiter.

 

Très tôt dans le parcours d’une personne étudiant le droit, on lui apprendra qu’au Canada, la séparation entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire est essentielle et fermement défendue. Or, il existe un métier qui offre un compromis inédit, c’est-à-dire l’opportunité de travailler en coulisse du pouvoir législatif en exerçant comme avocat.e au service de l’État. Méconnue, cette pratique du droit propose le parfait équilibre entre la recherche et la rédaction, et est assurément captivante pour un.e juriste doté.e d’une passion pour l’écriture. Exerçant au sein du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration depuis 2017, Me Parent est légiste et elle a gracieusement accepté de nous faire découvrir l’univers dans lequel elle évolue. Avec sa précieuse collaboration, le présent article offrira un aperçu concret du travail des légistes et des possibilités qu’offre une carrière en tant que juriste de l’État.

Le ministre de la Justice a pour fonction à la fois d’administrer le système de justice québécois et d’agir comme procureur général et jurisconsulte du gouvernement du Québec. Les avocates, avocats et notaires du ministère de la Justice (communément appelé.e.s « les juristes ») agissent principalement au sein du sous-ministériat des affaires juridiques, la division qui a la responsabilité de représenter le gouvernement du Québec devant les tribunaux (les plaideurs), fournir le conseil juridique à l’ensemble des ministères (les conseillers), puis rédiger les projets de loi et de règlement (les légistes) [1].

 

Les juristes du ministère de la Justice évoluent donc dans une organisation décentralisée, dans la mesure où bon nombre d’entre eux pratiquent - au nom du ministère de la Justice - dans les différentes directions des affaires juridiques des ministères. Par exemple, Me Parent a d’abord œuvré à la direction des affaires juridiques du ministère de l’Environnement, pour ensuite rejoindre la direction des affaires juridiques du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration.

 

Le quotidien d’un.e avocat.e légiste est aussi varié que les sujets traités au sein des projets auxquels ils et elles participent. De manière générale, les juristes de l’État sont les conseiller.ère.s juridiques des autorités et des fonctionnaires; une partie de leur rôle est donc de répondre à toutes leurs interrogations de nature juridique. Ils émettent des avis juridiques sur l’interprétation d’une disposition et sur les meilleurs moyens d’accomplir une intention législative. Précisément, les légistes se voient attribuer des mandats de rédaction de textes législatifs et réglementaires. Lorsqu’une autorité politique souhaite normaliser une intention, elle rencontre un.e légiste pour établir les orientations voulues et les objectifs qui seront présentés aux conseils de député.e.s.

 

Le processus de rédaction peut être ardu et de longue haleine puisque le choix de chaque mot exige une réflexion grammaticale et logique, en concordance avec les expressions antérieures du législateur et le sens ordinaire des mots. La personne occupant des fonctions de légiste doit considérer les multiples lectures, applications et interprétations qui seront faites des termes qu’elle rédige. Le travail de rédaction législative exige nécessairement des recherches exhaustives afin d’analyser l’emploi de divers termes par le législateur ainsi que leur contexte d’utilisation. L’individu chargé de la composition du texte de loi est également responsable de s’assurer du respect de l’intention initiale et de la cohérence du corpus législatif et réglementaire. Le dynamisme et la variété des tâches attribuées sont favorisés par les multiples domaines du droit abordés à travers les différents projets qui sont assignés à la personne travaillant comme juriste de l’État. De façon spécifique à sa direction d’affaires juridiques, l’équipe dont fait partie Me Parent fait également des représentations devant le Tribunal administratif du Québec (ci-après « TAQ »). Lorsqu’une loi ou un règlement est contesté, les légistes seront parfois appelé.e.s à aller présenter la cause du ministère devant le TAQ. Le ou la juriste œuvrant au ministère de la Justice doit, naturellement, s’assurer du respect du champ de compétence constitutionnel respectif du niveau gouvernemental qui l’emploie lors de l’expression écrite de l’intention du législateur. Notamment, sur des dossiers impliquant des compétences partagées, il ou elle doit s’assurer de la conformité des dispositions avec les accords intergouvernementaux et collaborer avec les juristes à l’emploi pour le gouvernement fédéral.

 

Me Parent souligne que tous et toutes ses collègues ont eu des expériences académiques et professionnelles variées puisque de nombreuses compétences peuvent être pertinentes pour la personne pratiquant comme légiste. Ces juristes ont tous et toutes en commun un savoir-faire partagé qui rassemble des individus aux centres d’intérêt variés, c’est-à-dire l’amour des mots. En effet, la minutie exigée par l’analyse de chaque expression et chaque signe de ponctuation exige une véritable passion pour la composition de texte. Pour Me Parent, travailler à la rédaction des textes de loi et règlements est un travail concret qui unit ses intérêts envers l’écriture et la politique. C’est une opportunité inédite d’assister à des débats publics sur des dossiers d’actualité. Œuvrer comme légiste, c’est avoir l’opportunité d’être au cœur de la réponse législative à un enjeu ayant d’importantes répercussions sociales. L’avocate souligne la vision particulière du ou de la juriste de l’État, puisque cette personne doit être apte à voir au-delà du monde juridique et à concilier les exigences des pouvoirs juridiques et politiques de manière harmonieuse. En commission parlementaire, le ou la légiste est souvent situé.e aux côtés du ministre présentant le projet de loi, prêt.e à répondre à toutes les interrogations du fonctionnaire ou à se voir demander de s’exprimer sur le texte législatif devant l’Assemblée nationale. La personne légiste occupe un rôle nécessaire à la rédaction d’une loi, certes, mais aussi à son adoption, ce qui l’implique de façon pratique et concrète dans les processus tant législatifs que politiques. Me Parent souligne que le processus d’élaboration de la loi exige une collaboration étroite avec les fonctionnaires, les expert.e.s et les autres professionnel.le.s impliqué.e.s au dossier. Cette étape vise à établir les orientations et les objectifs de la loi ou du règlement envisagés. Ensuite, le ou la juriste entamera un travail de composition législative ou réglementaire, qui est un acte réservé aux juristes. Plusieurs projets exigent également l’apport de plusieurs légistes en raison de l’ampleur de ceux-ci.

 

À une personne étudiante s’intéressant à la politique, passionnée d’écriture et ayant un intérêt envers la rédaction législative, Me Parent conseille d’exprimer son intérêt le plus tôt possible au cours de son parcours. Elle souligne que les légistes sont peu nombreux devant l’envergure de la tâche. Également, le ministère de la Justice est un employeur offrant d’intéressantes opportunités d’avancement et il constitue une porte d’entrée vers divers postes au sein des multiples divisions du ministère ou pour la division juridique d’autres structures gouvernementales. Le ou la juriste de l’État peut donc entamer sa carrière au sein d’un poste, puis transférer de divisions ou entreprendre un nouveau rôle pour le même employeur.

 

Sommairement, le ou la légiste est un.e juriste souhaitant, au sein de sa profession, allier le processus de rédaction à un intérêt envers la politique. C’est un.e professionnel.le qui aime travailler de façon collaborative et participer à l’élaboration d’une direction commune, mais qui apprécie également les tâches de nature plus individuelle, telle la rédaction. C’est également un individu qui s’épanouit au sein de tâches très variées, allant de l’avis juridique, à la rédaction d’ententes, de décrets et de directives. Me Parent souligne que son quotidien est marqué de situations imprévues, contribuant à rendre sa charge très stimulante et diversifiée.

 

Pour conclure, le ministère de la Justice propose des fonctions juridiques variées et non routinières aux juristes curieux et curieuses de découvrir l’envers des pouvoirs législatif et exécutif. Non seulement c’est un employeur qui offre un excellent équilibre travail-vie personnelle à ses employé.e.s, c’est également un emploi qui offre l’opportunité de s’épanouir dans un environnement marqué par la passion et l’engagement social.

Source

[1] MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU QUÉBEC, L’organisation et ses engagements, Québec, Ministère de la Justice du Québec, 2014, en ligne : <https://www.quebec.ca/gouvernement/ministere/justice/organigramme>

bottom of page