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L'arrêt Nahanee : une nuance à apporter pour les recommandations conjointes de sentence

Par le Comité de Droit Criminel et Pénal

Dans le processus judiciaire, lorsqu’une personne accusée avoue sa culpabilité ou se fait déclarer coupable, l’étape suivante est celle de la détermination de sa sentence [1]. Afin de choisir la peine appropriée, le ou la juge doit tenir compte de plusieurs critères, notamment la situation, la proportionnalité ainsi que les peines minimales et maximales [2]. Dans certains cas, la défense et le ministère public recommandent conjointement une sentence au ou à la juge. Cette manière de procéder vise à accélérer le processus judiciaire. Généralement, lorsqu’il y a une proposition des deux parties, le ou la juge tendra à l’accepter [3]. Le ministère public ainsi que la défense sont effectivement bien placés pour choisir une recommandation permettant de favoriser autant l’accusé.e que l’intérêt du public [4]. En 2022, l’arrêt R. c. Nahanee a remis la question de l’acceptabilité des recommandations conjointes sur la table de l’actualité juridique lorsque ces dernières ne traitent pas de l’entièreté de la peine [5]. Notamment, cette affaire a déterminé que les audiences de détermination de la peine contestées après un plaidoyer de culpabilité n’offrent pas le même degré de certitude que celles n’étant pas contestées [6]. Cela étant dit, les juges ont désormais plus de malléabilité dans ces circonstances que lorsqu'il s'agit d'une recommandation conjointe sur la totalité de la peine.

L'étendue des recommandations conjointes

L’arrêt R. c. Nahanee rappelle l’importance cruciale des recommandations conjointes, notamment du fait qu’elles favorisent un processus judiciaire plus efficace [7]. Cependant, ce n’est pas parce que les parties sont en accord sur certains aspects qu’il s’agit systématiquement d’une proposition commune. Ces recommandations conjointes doivent traiter de tous les aspects de la peine [8]. Pour cette raison, quand les parties ne s’entendent pas sur l’entièreté de la peine, cela ne peut pas être considéré comme étant une recommandation conjointe.

Le pouvoir discrétionnaire du juge bien encadré

Bien que dans la majorité des situations les propositions communes de peines soient acceptées, il n’en demeure pas moins que le ou la juge conserve le pouvoir discrétionnaire de refuser la recommandation. Pour sortir du cadre de la peine proposée par les deux parties, le ou la juge doit respecter les critères de l’intérêt public et de la justesse avancés par l’arrêt R. c. Anthony-Cook [9]. Cela signifie que la proposition conjointe doit déconsidérer l’administration de la justice pour que le ou la juge puisse intervenir dans la détermination de la peine. Dans leur analyse, les juges doivent évidemment faire preuve de rigueur lorsqu’ils prennent la décision d’écarter une recommandation conjointe.

En d’autres mots, dans l’optique où la recommandation commune doit être repoussée, le ou la juge doit s’assurer de respecter les critères. Comme le rappelle le juge Moldaver de la Cour suprême, des critères rigoureux doivent être suivis en matière de suggestions communes : « Enfin, je fais remarquer qu’un seuil élevé pour écarter des recommandations conjointes est non seulement nécessaire, mais également approprié, afin que l’on retire tous les avantages des recommandations conjointes » [10]. Cependant, comme mentionné plus haut, ce critère s’appliquerait seulement s’il s’agit d’une véritable recommandation conjointe et donc, portant sur tous les aspects de la peine.

En bref, les recommandations conjointes représentent un aspect essentiel dans l'optimisation du processus judiciaire. Nonobstant, la nuance apportée par la jurisprudence récente permet de se questionner sur l'évolution de cette réalité au sein du milieu juridique. Pour l'avenir, il sera pertinent de surveiller si les recommandations conjointes sont davantage écartées qu'avant dans les décisions des tribunaux.

SOURCES

[1] : ÉDUCALOI, « Comment un juge détermine-t-il la peine ? », educaloi.qc.ca, en ligne :  <https://educaloi.qc.ca/capsules/comment-un-juge-determine-t-il-la-peine> (consulté le 8 décembre 2022).

[2] : Id.

[3] : R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43, par. 25.

[4] : Id., par. 2.

[5] : R. c. Nahanee, 2022 CSC 37, par. 31.

[6] : Id., par. 2.

[7] : Félix-Antoine T. DOYON, « Les suggestions communes contribuent à rendre le système de justice pénale équitable et efficace », Doyon Magazine, 23 octobre 2016, en ligne : <https://www.doyonavocats.ca/suggestions-communes-peine/> (consulté le 8 décembre 2022).

[8] : R. c. Anthony-Cook, préc., note 3, par. 46.

[9] : Id.

[10] : Id., par. 32.

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