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«Légalisation» du cannabis pour les nuls 

Rédactrice: Myriam Mansour

Le 17 octobre 2018 dernier, les consommateurs de cannabis accueillaient à bras ouverts ce que le gouvernement, les médias ainsi que la société en général qualifient de « légalisation » du cannabis. À vrai dire, le Canada passe plutôt d’une ère de prohibition à une ère de réglementation [1]. Aux fins du présent article et d’une consommation éventuelle de marijuana, il peut s’avérer pertinent de différencier les notions suivantes : prohibition, légalisation, décriminalisation et réglementation.

Imaginons-les de façon conceptuelle; plaçons-les sur un continuum. D’une extrémité, il y a la prohibition qui constitue une interdiction légale, décrétée par une autorité [2]. De l’autre, on retrouve la légalisation, qui elle, est une « reconnaissance par la loi d'une pratique non réglementée ou d'un comportement illicite que, généralement, la société a déjà toléré » [3]. En son centre, le spectre contient d’un côté la décriminalisation et de l’autre la réglementation. Elles sont définies respectivement comme suit : « l’action de soustraire au contrôle de la justice un fait qui auparavant lui était assujetti » [4] et « l’action de réglementer » [5].

Il est donc juste de dire que, à la suite de l’adoption de la Loi sur le cannabis [6], le Canada n’a pas légalisé le cannabis d’un point de vue strictement juridique [7]. Depuis le 17 octobre, on pourrait se retrouver face à des infractions liées à la consommation de marijuana bien plus nombreuses [8].

La Loi sur le cannabis vise plusieurs objectifs explicitement énoncés à son article 7. Elle vise la protection de la santé et la sécurité des citoyens, la restriction de l’accessibilité du cannabis chez les jeunes, la réduction de production illicite, la réduction de la charge qui pèse sur le système de justice pénale et un contrôle de la qualité du produit mis en vente. En bref, la Loi cherche à contrôler et encadrer la production, la distribution et la vente du cannabis.


QU’EST-CE QUI EST LÉGAL?

Saviez-vous que…

  • Environ 45 % des Canadiens âgés de 15 ans et plus ont rapporté avoir déjà consommé du cannabis dans leur vie? [9]

  • En 2014, les jeunes adultes âgés de 20 à 24 ans représentaient près de 30 % des consommateurs de cette drogue au Canada, soit la plus grande proportion d’usagers?[10]

La consommation et la possession

La consommation du cannabis à des fins récréatives sous le nouveau régime est réservée à la population âgée de 18 ans et plus au Québec et en Alberta [11], et de 19 ans et plus dans le reste du Canada [12]. Seuls le cannabis séché ou frais et l’huile de chanvre indien peuvent être consommés [13]. Les accessoires pouvant servir à l’utilisation de la drogue sont également permis [14]. Les endroits où la possession de cannabis est permise ne sont pas explicitement énoncés dans la Loi, outre l’exclusion des lieux publics qui sont définis comme suit par le législateur pour une possession de plus de 30 grammes de cannabis : « S’entend notamment de tout lieu auquel le public a accès de droit ou sur invitation, expresse ou implicite; y est assimilé tout véhicule à moteur situé dans un endroit soit public soit situé à la vue du public » [15]. En fait, la réglementation à cet effet a été déléguée aux provinces ainsi qu’aux municipalités, ce qui peut entraîner son lot de difficultés chez les membres du public qui consomment ou voudraient consommer de la marijuana. D’une ville à l’autre ou d’une province à l’autre, les interdictions ne seront pas nécessairement les mêmes. Des sanctions pénales peuvent évidemment s’imposer pour toute contravention à la loi, par exemple des amendes s’élevant entre 250 $ et 750 $ pour la province du Québec [16]. La quantité de cannabis permise dans les domiciles varie, encore une fois d’une province à l’autre, mais pour ce qui est du Québec, il est possible d’en avoir jusqu’à une limite de 150 grammes [17].

La vente

Pour ce qui est de la distribution, le contrôle de cette activité a également été délégué aux provinces; la réglementation varie donc encore une fois d’une province à une autre. Le Manitoba, la Saskatchewan ainsi que l’Alberta ont confié la vente au secteur privé. Or, le Québec, le Nouveau‑Brunswick, la Nouvelle‑Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard et les Territoires du Nord‑Ouest ont laissé ce pouvoir au secteur public. La Colombie-Britannique, Terre-Neuve et Labrador, le Yukon ainsi que l’Ontario ont plutôt opté pour une approche hybride, c’est-à-dire qu’ils permettent la vente tant par le secteur privé que le secteur public. La vente en ligne est possible uniquement par l’administration gouvernementale décentralisée des provinces, que ce soit par les sociétés d’État ou tout autre organe mis en place par le gouvernement pour assurer le réglementation du cannabis [18].

La production

La production en vertu de la Loi sur le cannabis prend deux formes, soit la production commerciale ou la culture à domicile. Partout au Canada, pas plus de quatre plants de marijuana ne peuvent être cultivés par domicile [19]. Cependant, il est toujours illégal de cultiver du cannabis chez soi au Québec et au Manitoba [20]. Il est tout de même incertain si la culture de plants sera tolérée dans les appartements loués, les condos, les universités et les résidences universitaires. La tendance semble être au cas par cas et dépend donc de leur politique respective.

« Être down d’être high… »

Le cannabis est principalement recherché pour son effet d’euphorie communément appelé le « high », causé par l’action du tétrahydrocannabinol (THC) [21]. En fait, les effets du cannabis peuvent se diviser en deux phases : le high, suivi du down. Le high apporte une panoplie d’effets prisés chez les consommateurs : euphorie, insouciance, sociabilité accrue, accentuation des perceptions sensorielles, impression d’être plus créatif, envie spontanée de rire [22]. Le down, de son côté, est moins agréable. L’élimination du THC dans l’organisme qui survient une heure après l’inhalation du cannabis provoque un état de torpeur caractérisé par un ralentissement physique et mental [23].

Les effets du high et du down peuvent affecter les fonctions cognitives des consommateurs. Donc, au-delà du temps de réaction qui diminue considérablement à la suite de la consommation de marijuana, le cannabis peut nuire à la coordination ainsi que provoquer des troubles de mémoire et de concentration. Il peut également diminuer la capacité de discernement, comme plusieurs substances perturbatrices [24]. Dans des cas extrêmes où un taux trop élevé de THC est inhalé trop rapidement, la phase du down peut rapidement prendre une tournure assez sombre. Le consommateur peut éprouver des symptômes de paranoïa et d’anxiété, en plus d’être en proie à des hallucinations [25].

Le dépistage

Il n’y a qu’un très faible nombre de recherches qui démontrent l’impact du cannabis sur l’organisme. L’évaluation du taux de THC dans le corps ne permet pas d’évaluer le degré d’aliénation mentale ou physique chez le consommateur de cannabis. Il faut tenir compte du fait que le THC peut être présent dans l’organisme d’un usager régulier de marijuana sans qu’il ne montre aucun signe manifeste de consommation [26].

Tout de même, trois méthodes de dépistage sont présentement utilisées : l’analyse d’urine, l’analyse de salive et un test qualitatif standard de sobriété. Les tests de dépistage qui risquent d’être les plus rencontrés par les usagers de la route sont ceux de l’analyse salivaire et du test standard de sobriété [27].

Sherbrooke suit le mouvement

Après l’adoption de la Loi sur le cannabis ainsi que de la Loi encadrant le cannabis [28], la ville de Sherbrooke a amendé son Règlement général n°129 par l’adoption de l’article 5.6.24.3, qui prévoit l’interdiction de fumer du cannabis sur le territoire de la municipalité. Cette disposition prévoit qu’en plus des lieux où il est spécifiquement interdit de fumer en vertu de la Loi encadrant le cannabis, il est également défendu de consommer du cannabis dans les places publiques municipales, c’est-à-dire « chemin, rue, ruelle, allée, passage, trottoir, escalier, jardin, parc, parc canin, promenade, terrain de jeux, sentier multifonctionnel, estrade, stationnement à l'usage du public, tout lieu de rassemblement extérieur où le public a accès » [30]. Une contravention à cette disposition peut entraîner une amende pouvant aller jusqu’à 750 $.

L’Université de Sherbrooke a elle aussi emboîté le pas, le 22 octobre 2018, en modifiant sa Politique pour un environnement sans fumée et l’usage responsable du cannabis. Les interdictions [31] se résument comme suit :

  • Interdiction de fumer du cannabis sur tous les terrains et bâtiments, y compris les résidences étudiantes, des campus de l’Université.

  • Interdiction de posséder du cannabis en présence de personnes mineures :

    • Sur les terrains et dans les installations d’un centre de la petite enfance ou d’une garderie exploitée sur l’un ou l’autre des campus de l’Université;

    • Sur les terrains et dans les locaux où sont dispensés des services d’éducation préscolaire;

    • À tout autre endroit sur les campus de l’Université où sont offerts des activités ou des services en présence de personnes mineures.

  • Interdiction de participer à une activité, d’accomplir un travail ou d’effectuer une tâche en cas de facultés affaiblies par le cannabis, sans égard au lieu ou au moment où le cannabis a été consommé.

La politique universitaire renvoie à la loi fédérale et provinciale du cannabis concernant les amendes à remettre en cas d’une contravention à l’une de ces dispositions touchant la consommation de marijuana [32].


Sources
 

1 James WISHART, Taylor BUCKLEY, Craig LAWRENCE, « Cannabis in the Workplace », PowerPoint, en ligne : <https://www.dentons.com/en/whats-different-about-dentons/connecting-you-to-talented-lawyers-around-the-globe/events/2018/september/24/cannabis-in-the-workplace> (consulté le 13 novembre 2018).

2 Hubert REID, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 5e éd. Révision, Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, « Prohibition », en ligne : <https://dictionnairesreid.caij.qc.ca>(JurisBistroMD eDICTIONNAIRE).

3 Hubert REID, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 5e éd. Révision, Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, « Légalisation », en ligne : <https ://dictionnairesreid.caij.qc.ca> (JurisBistroMD eDICTIONNAIRE).

4 Hubert REID, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 5e éd. Révision, Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, « Décriminalisation », en ligne : <https ://dictionnairesreid.caij.qc.ca>(JurisBistroMD eDICTIONNAIRE).

5 Hubert REID, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 5e éd. Révision, Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, « Réglementation», en ligne : <https://dictionnairesreid.caij.qc.ca> (JurisBistroMD eDICTIONNAIRE).

6 Loi sur le cannabis, L.C. 2018, ch. 16.

7 Préc. note 1.

8 Préc. note 1.

9 Institut de santé publique du Québec, « Portrait de la consommation de cannabis au Canada et au Québec », en ligne : <https://www.inspq.qc.ca/dossiers/cannabis/portrait-de-la-consommation-de-cannabis-au-canada-et-au-quebec> (consulté le 14 novembre 2018).

10 Id.

11 Loi encadrant le cannabis, RLRQ, c. 53, art. 4. et Gaming, Liquor and Cannabis Act, RSA 2000, c G-1, art.1(1)w) et art. 90.26.

12 Cannabis Control and Licensing Act, SBC 2018, c 29, art. 1 et art.73; Cannabis Control Act, RSPEI 1988, c C-1.2, art. 7; Loi sur la réglementation des alcools, des jeux et du cannabis, CPLM c L153, art. 101.1 et art. 101.18; Loi sur la réglementation du cannabis, LN-B 2018, c 2, art. 11; Cannabis Control Act, SNS 2018, c 3, art. 3(n) et art. 16(1); Cannabis Act, SNC 2018, c. 7, art. 3; The Cannabis Control (Saskatchewan) Act, SS 2018, c C-2.111, art.1-2(1) et art. 2-1(1); Cannabis Control Act, SNL 2018, c C-4.1, art. 66; Loi sur les produits du cannabis, LTN-O 2018, c 6, ann A, art. 1 et art. 3(1); Loi sur le contrôle et la réglementation du cannabis, LY 2018, c 4, art. 55a).

13 Préc. note 6, annexe 4.

14 Préc. note 6, art. 2(1) et art. 31 a contrario.

15 Préc. note 6, art. 2(1) et art. 8(1) a).

16 Préc. note 11, art. 5.

17 Préc. note 11, art. 11.

18 CBC News, «How the province are planning for pot legalization», en ligne : <https://www.cbc.ca/news/canada/province-pot-marijuana-legal-1.4405084> (consulté le 14 novembre 2018).

19 Préc. note 6, art. 12(4) b).

20 Préc. note 11, art. 10 et Loi sur la réglementation des alcools, des jeux et du cannabis, CPLM c. L153, art. 101.15.

21 Encadrement du cannabis du Québec, « Effets du cannabis », en ligne : <https://encadrementcannabis.gouv.qc.ca/le-cannabis/effets/ > (consulté le 14 novembre 2018).

22 Id.

23 Id.

24 Id.

25 Id.

26 Drogue Info Service, «Tableau des durées de positivité», en ligne : < http://www.drogues-info-service.fr/Tout-savoir-sur-les-drogues/Le-depistage-des-drogues/Tableau-des-durees-de-positivite#.W-8vRjhKjIU> (consulté le 15 novembre 2018).

27 Préc. note 1.

28 Politique pour un environnement sans fumée et l’usage responsable du cannabis, Université de Sherbrooke, art.7.

29 Règlement général n°1 de la Ville de Sherbrooke, RLRQ, c. C-47.1, r. n°1.

30 Id. art, 5.6.1. par.7.

31Préc. note 28, art. 11.

32 Préc. note 11.

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