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Nouveauté canadienne pour la protection des passagers aériens : un aperçu du règlement de l’Office des transports du Canada

Rédactrice: Marianne Gosselin-Gratton

En avril 2017, une vidéo virale nous montrait les images d’un passager sorti de force d’un vol surréservé d’United Airlines. Bien que la pratique commerciale de surréservation de billets d’avion puisse être jugée raisonnable par l’Office des transports du Canada [1] (ci-après « OTC ») [2], cet événement illustre, avec un peu de sensationnalisme, le rapport de force inégal entre passagers et transporteurs aériens.

Plusieurs mesures législatives et réglementaires existent pour protéger les passagers aériens. Se trouve parmi eux le tout nouveau Règlement sur la protection des passagers aériens [3] (ci-après « RPPA »). Il a été élaboré par l’OTC et est entré partiellement en vigueur le 15 juillet 2019 [4]. Les dispositions restantes ont force de loi depuis le 15 décembre 2019 [5].

Comment l’OTC en est-il venu à réglementer ce sujet? Quels avantages le RPPA comporte-t-il pour les passagers aériens? Quelles autres mesures législatives et réglementaires offrent une protection aux voyageurs canadiens?

Le contexte d’adoption du RPPA

Le RPPA est un fruit du plan stratégique Transports 2030, présenté par le ministre Garneau en novembre 2016 [6]. Ce plan stratégique vise notamment à « instaurer un régime de droits des voyageurs aériens pour mieux protéger les consommateurs » [7], dans un objectif de transparence, de clarté et d’équité pour ce qui est du traitement et de l’indemnisation des passagers [8].

Pour entreprendre la mise en œuvre de Transports 2030, le gouvernement fédéral a modifié diverses lois régissant le secteur des transports au Canada [9]. C’est par le biais de la Loi sur la modernisation des transports [10], entrée en vigueur le 23 mai 2018, que ces premières transformations se sont réalisées [11]. La Loi sur la modernisation des transports a notamment modifié la Loi sur les transports au Canada [12] pour y ajouter une disposition habilitante [13] obligeant l’OTC à adopter des règlements relativement aux obligations des transporteurs aériens envers leurs passagers [14]. Les obligations concernées sont spécifiquement nommées [15]. Toutefois, le ministre fédéral des Transports s’est vu accorder le pouvoir de donner éventuellement des directives à l’OTC pour que soit réglementée toute autre obligation du transporteur [16].

À la suite de la modification de la Loi sur les transports au Canada, l’OTC a lancé une série de consultations publiques afin de réaliser son mandat réglementaire [17]. Ces consultations ont mené, près d’un an plus tard, à la finalisation du RPPA [18].

Survol des droits des passagers aériens prévus au RPPA

Le RPPA a d’abord un champ d’application précis. Il est déterminé, non pas selon la nationalité des compagnies aériennes, mais selon l’itinéraire de leurs vols. En effet, le champ d’application du RPPA se limite aux vols à destination ou en provenance du Canada, ce qui inclut les vols de correspondance, nonobstant la compagnie aérienne qui les exploite [19].

Le RPPA prévoit ensuite des obligations pour les compagnies aériennes dans certaines facettes de leurs activités. L’OTC identifie ces facettes comme suit :

« […] les communications avec les passagers, les retards et les annulations de vol, le refus d’embarquement, les retards sur l’aire de trafic, l’attribution de sièges aux enfants de moins de 14 ans qui voyagent avec un parent ou un tuteur, les bagages perdus ou endommagés, et le transport d’instruments de musique. » [20]

Parmi les nouvelles obligations des transporteurs, les indemnités forfaitaires minimales devant être versées aux passagers aériens sont particulièrement intéressantes pour les voyageurs. Ces indemnités sont prévues lorsqu’un vol est retardé [21], annulé [22] ou lorsque le passager se voit refuser l’embarquement [23]. La valeur de l’indemnité est fixée selon la différence entre l’heure prévue d’arrivée à destination du passager et l’heure réelle d’arrivée à destination [24]; le passager dispose d’un délai d’un an à compter de l’annulation du vol ou de son retard pour réclamer l’indemnisation auprès de la compagnie aérienne concernée lorsque son vol est retardé ou annulé [25].

Dans tous les cas, la compagnie aérienne n’aura pas à verser l’indemnité lorsque la perturbation ne lui est pas attribuable [26], ou lorsque celle-ci est nécessaire pour des raisons de sécurité [27]. Un retard ou une annulation pour cause de mauvaises conditions météorologiques ne donnerait donc pas droit à une indemnité [28]. Toutefois, une indemnité devra être accordée au passager lorsqu'on lui refuse l’embarquement à la suite d’une surréservation de son vol [29].  

 

Aperçu d’autres mesures législatives et réglementaires offrant une protection aux passagers aériens

Le passager aérien canadien n’est cependant pas couvert que par les protections prévues au RPPA. Il continue d’être protégé notamment par les lois provinciales relatives à la protection du consommateur. Par exemple, lorsqu’un passager aérien fait affaire avec un agent de voyage situé au Québec, il peut bénéficier du Fonds d’indemnisation des clients des agents de voyages (ci-après « Fonds ») [30]. Le Fonds couvre, entre autres, le remboursement des billets d’avion si la compagnie aérienne fait faillite [31] ou encore le remboursement de certaines activités si le passager n’a pu y participer du fait que son vol a été annulé à cause d’une grève [32]. Il ne remplace toutefois pas la protection d’une assurance voyage. En effet, la couverture du Fonds est plus étroite que celle d’une assurance. À titre d’exemple, le Fonds n’est d’aucun recours en cas de perte de bagages [33]. Un passager peut néanmoins se prévaloir du Fonds si, notamment, il reçoit un remboursement partiel de son assureur et que sa situation est comprise dans le champ d’application du Fonds [34]. Il pourra alors obtenir le remboursement de la différence [35].

En outre, un passager dont le vol n’entre pas dans l’application du RPPA pourrait tout de même être couvert par un règlement similaire, c’est-à-dire un règlement qui comprend des indemnisations forfaitaires pour les vols retardés ou annulés et les refus d’embarquement. Il pourrait s’agir en l’occurrence du Règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil [36], qui s’applique aux vols dont l’itinéraire de voyage complet prend départ d’un aéroport de l’Union européenne [37], ou est à l’arrivée d’un aéroport de l’UE si la compagnie aérienne opérant le vol a son siège social dans un pays membre de l’UE [38].

Finalement, la Convention de Montréal [39], traité international intégré dans le droit interne canadien par la Loi sur le transport aérien [40], prévoit un régime de responsabilité des transporteurs pour les vols internationaux [41] et en pose les limites pécuniaires [42]. La compagnie aérienne « [...] est responsable du préjudice survenu en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager [...] » [43], « [...] du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrés [...] » [44], ainsi que « [...] du dommage résultant d'un retard dans le transport aérien de passagers, [et] de bagages [...] » [45]. Selon l’arrêt Thibodeau [46], il s’agit d’un régime de responsabilité exclusif en ce qui touche les matières que la convention aborde :

« […] établir un ensemble de règles uniformes encadrant la responsabilité pour dommages des transporteurs aériens internationaux et limiter cette responsabilité sont deux des principaux objectifs de la Convention de Varsovie et, par le fait même, de la Convention de Montréal, qui ne peut les réaliser que si elle constitue un ensemble exclusif de règles applicables aux matières auxquelles elle s’applique. La Convention de Montréal ne touche évidemment pas tous les aspects du transport aérien international : elle n’est pas exhaustive. Mais dans les limites des matières qu’elle aborde, elle est exclusive en ce qu’elle interdit tout autre recours en responsabilité […]. » [47]

Ainsi, un passager aérien n’est pas sans recours devant son transporteur. Plusieurs mesures législatives et réglementaires lui permettent d’obtenir une compensation lorsque son vol est perturbé. Récemment, un règlement qui permet aux voyageurs d’obtenir une indemnité forfaitaire lorsque leur vol est annulé, retardé ou surréservé est entré en vigueur au Canada. Le présent article ne se targue pas d’être exhaustif dans sa présentation du contenu du RPPA ou de celui des autres régimes visant la protection des passagers aériens. Toutefois, il permet d’avoir un aperçu du contexte législatif et réglementaire entourant le RPPA, dont la validité de certaines dispositions, notamment celles prévoyant les indemnités forfaitaires, est contestée en Cour d’appel fédérale par différentes compagnies aériennes, telles Air Canada et Porter Airlines [48]. Gardons l’œil ouvert quant à la suite de ce débat juridique.

Sources

 (1) OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA, « PLAINTE déposée par Gábor Lukács contre Air Canada (décision no 204-C-A-2013, 27 mai 2013, par. 20) », Office des transports du Canada [en ligne], consulté le 29 novembre 2019. URL : https://otc-cta.gc.ca/fra/decision/204-c-a-2013.  

(2) Ci-après « OTC ».

(3) Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150 (Gaz. Can. II)  (ci-après « RPPA »).

(4) Id., art. 46(1).

(5) Id., art. 46(2) et (3).

(6) TRANSPORTS CANADA, « Le ministre Garneau présente sa stratégie pour l'avenir des transports au Canada : Transports 2030 », Gouvernement du Canada [en ligne], consulté le 29 novembre 2019. URL : https://www.canada.ca/fr/transports-canada/nouvelles/2016/11/ministre-garneau-presente-strategie-avenir-transports-canada-transports-2030.html.

(7) TRANSPORTS CANADA, « Transports 2030 – Infographie », Gouvernement du Canada [en ligne], consulté le 29 novembre 2019. URL : https://www.tc.gc.ca/fra/transports-2030-infographie.html.

(8) TRANSPORTS CANADA, préc., note 6.  

(9) TRANSPORTS CANADA, « Transports 2030 – Un plan stratégique pour l’avenir des transports au Canada », Gouvernement du Canada [en ligne], consulté le 29 novembre 2019. URL : https://www.tc.gc.ca/fra/avenir-transports-canada.html#_About_Transportation_2030.

(10) Loi sur la modernisation des transports, L.C. 2018, c. 10.

(11) TRANSPORTS CANADA, préc., note 7. 

(12) Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, c. 10.

(13) Loi sur la modernisation des transports, préc., note 10, art. 19.

(14) Loi sur les transports au Canada, préc., note 12, art. 86.11.

(15) Id., art. 86.11(1)a) à f).

(16) Id., art. 86.11(1)g) et 86.11(2).

(17) OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA, « Règlement sur la protection des voyageurs aériens – Exprimez-vous! », Office des transports du Canada [en ligne], consulté le 29 novembre 2019. URL : https://otc-cta.gc.ca/fra/content/reglement-sur-protection-des-voyageurs-aeriens-exprimez-vous.

(18) OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA, « Le Règlement sur la protection des passagers aériens est finalisé », Office des transports du Canada [en ligne], consulté le 29 novembre 2019. URL : https://otc-cta.gc.ca/fra/content/reglement-sur-protection-des-passagers-aeriens-est-finalise.  

(19) OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA, « FAQ : Règlement sur la protection des passagers aériens (Q10) », Office des transports du Canada [en ligne], consulté le 29 novembre 2019. URL : https://www.otc-cta.gc.ca/fra/faq-reglement-sur-protection-des-passagers-aeriens.

(20) OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA, « FAQ : Règlement sur la protection des passagers aériens (Q1) », Office des transports du Canada [en ligne], consulté le 29 novembre 2019. URL : https://www.otc-cta.gc.ca/fra/faq-reglement-sur-protection-des-passagers-aeriens.

(21) Art. 12(2)d) RPPA.

(22) Art. 12(3)d) RPPA.

(23) Art. 12(4)d) RPPA.

(24) Art. 19 et 20 RPPA.

(25) Art. 19(3) RPPA.

(26) Art. 10 RPPA; OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA, « Faits saillants de règlement sur la protection des passagers aériens », Office des transports du Canada [en ligne], consulté le 29 novembre 2019. URL : https://otc-cta.gc.ca/fra/faits-saillants-reglement-sur-protection-des-passagers-aeriens

(27) Art. 11 RPPA; OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA, préc., note 26. 

(28) Art. 10(1)c) RPPA.

(29) OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA, préc., note 26. 

(30) Ci-après « Fonds »; Loi sur les agents de voyages, RLRQ, c. A-10, art. 30.1; OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR, « Qu’est-ce que le fonds? », Office de la protection du consommateur [en ligne], consulté le 29 novembre 2019. URL : https://www.opc.gouv.qc.ca/consommateur/bien-service/voyage/fonds-indemnisation/definition/.

(31) OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR, « Situations couvertes par le fonds », Office de la protection du consommateur [en ligne], consulté le 29 novembre 2019. URL : https://www.opc.gouv.qc.ca/consommateur/bien-service/voyage/fonds-indemnisation/situations-couvertes/.

(32) Id.

(33) OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR, « Marche à suivre pour être remboursé par le fonds », Office de la protection du consommateur [en ligne], consulté le 4 décembre 2019. URL : https://www.opc.gouv.qc.ca/consommateur/bien-service/voyage/fonds-indemnisation/faq/.

(34) OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR, « Marche à suivre pour être remboursé par le fonds », Office de la protection du consommateur [en ligne], consulté le 4 décembre 2019. URL : https://www.opc.gouv.qc.ca/consommateur/bien-service/voyage/fonds-indemnisation/demarche/.

(35) OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR, « Questions fréquentes sur le fonds », Office de la protection du consommateur [en ligne], consulté le 4 décembre 2019. URL : https://www.opc.gouv.qc.ca/consommateur/bien-service/voyage/fonds-indemnisation/demarche/.

(36) Règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91 (JOUE L 46, 17 février 2004, p. 1).

(37) Ci-après « UE ».

(38) Règlement (CE) n° 261/2004 (…), préc., note 36, art. 3.

(39) Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, 28 mai 1999, (2002) 2242 R.T.N.U. 309 [Convention de Montréal].

(40) Loi sur le transport aérien, L.R.C. 1985, c. C-26.

(41) Id., ANNEXE VI, art. 1.

(42) Id., art. 22; OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA, « Limites de responsabilité pour les passagers et les marchandises », Office des transports du Canada [en ligne],  consulté le 29 novembre 2019. URL : https://otc-cta.gc.ca/fra/limites-responsabilite-pour-passagers-et-marchandises.

(43) Loi sur le transport aérien, préc., note 40, ANNEXE VI, art. 17(1).

(44) Id., art.17(2).

(45) Id., art. 19.

(46) Thibodeau c. Air Canada, 2014 CSC 67.

(47) Id., par. 47.

(48) LA PRESSE CANADIENNE, « La Cour d’appel fédérale entendra la contestation des compagnies aériennes », Le Devoir [en ligne], consulté le 29 novembre 2019. URL : https://www.ledevoir.com/economie/560781/la-cour-d-appel-federale-entendra-la-contestation-des-transporteurs-aeriens.

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